lundi 15 décembre 2025

Des systèmes qui peinent à faire confiance à l’humain


La plupart des gens, la plupart du temps, veulent faire ce qui est juste.

Ils cherchent à bien faire leur travail, à respecter les autres, à contribuer honnêtement. Peu de personnes se lèvent le matin avec l’intention de nuire ou de tromper.

Et pourtant, nos systèmes sont souvent conçus comme si l’humain était d’abord suspect. Comme s’il fallait contrôler avant de faire confiance. Mesurer avant d’écouter. Surveiller avant de reconnaître.

Dans le travail, à l’école, dans les institutions, on empile des règles, des procédures et des indicateurs. Ces mécanismes rassurent, mais ils produisent aussi des effets secondaires. Peu à peu, les personnes apprennent à se conformer plutôt qu’à discerner. À se protéger plutôt qu’à contribuer pleinement.

Ce décalage épuise. Beaucoup portent des valeurs fortes, mais se retrouvent coincés dans des cadres qui ne leur permettent pas de les traduire en gestes concrets. Le problème n’est pas l’absence de bonne volonté. C’est une architecture qui ne fait pas confiance à ce qu’il y a de meilleur chez les personnes.

Le matin offre un espace précieux pour réfléchir à cela. Avant que la journée n’accélère, il est encore possible d’écouter ce qui nous anime vraiment : le désir d’être utile, juste, humain dans ce que l’on fait.

Cette réflexion nous invite à déplacer la responsabilité. Plutôt que de demander sans cesse aux individus de s’améliorer, il faut aussi interroger les systèmes dans lesquels ils évoluent. Un environnement fondé sur la méfiance finit par produire de la distance. Un environnement fondé sur la confiance ouvre souvent la créativité et le sens des responsabilités.

Changer un système peut sembler hors de portée. Mais chaque équipe, chaque organisation, chaque communauté peut devenir un lieu où la confiance est pratiquée, même à petite échelle. Ces gestes comptent.

Commencer la journée avec cette pensée, c’est refuser le cynisme. C’est croire que la bonté humaine existe déjà, mais qu’elle a besoin de cadres plus justes pour s’exprimer.

samedi 13 décembre 2025

Et les autres, alors ? Réfléchir au langage de l’amour et du mérite


Il y a des phrases que l’on entend souvent et qui semblent positives, presque évidentes. Pourtant, certaines d’entre elles me font toujours réfléchir. Deux en particulier : « à celles et ceux que j’aime » et « tu le mérites ». Chaque fois que je les lis ou les entends, une question apparaît : et les autres ?

Dire « à celles et ceux que j’aime », c’est naturel. Nous aimons certaines personnes plus que d’autres, et c’est humain. Mais cette phrase crée aussi une limite. Elle nomme un groupe et, sans le vouloir, laisse les autres à l’extérieur. Le langage fait plus que décrire la réalité, il la façonne. Quand on parle ainsi, on trace un cercle : il y a ceux qui sont dedans, et ceux qui ne le sont pas. Cela ne veut pas dire que l’intention est mauvaise, mais cela mérite d’être remarqué. Dans la vie communautaire et dans l’accompagnement, j’ai appris que ce qui aide vraiment les gens n’est pas seulement l’amour réservé à quelques-uns, mais une présence ouverte, même envers ceux que l’on connaît peu ou que l’on n’aime pas spontanément.

L’expression « tu le mérites » me touche d’une autre façon. Elle est souvent dite pour encourager ou valoriser quelqu’un. Pourtant, elle repose sur une idée de mérite. Si une personne mérite quelque chose, cela veut dire que d’autres ne le méritent pas. Cela pose une question importante : selon quels critères ? Dans la vie, plusieurs situations ne relèvent pas du mérite. La souffrance, la maladie, la fatigue ou le deuil ne sont pas des choses que l’on gagne ou que l’on perd selon son comportement. Elles font partie de l’expérience humaine. Dans ces moments, ce dont les personnes ont besoin, ce n’est pas d’être jugées dignes ou non, mais d’être accueillies et soutenues.

Ces deux expressions montrent une tension importante dans notre manière de vivre les relations. Aimons-nous seulement ceux que nous choisissons ? Aidons-nous seulement ceux qui « le méritent » ? Dans une société où tout est souvent évalué, comparé et mesuré, cette logique peut s’infiltrer même dans nos paroles les plus bienveillantes. Pourtant, prendre soin des autres, c’est reconnaître que chaque personne a une valeur, simplement parce qu’elle est humaine.

Se demander « et qu’en est-il des autres ? », ce n’est pas rejeter l’amour ni la reconnaissance. C’est élargir notre regard. C’est chercher un langage et une attitude qui incluent plutôt que d’exclure. Peut-être que cette attention à nos mots est déjà un pas important. Elle nous rappelle que la dignité humaine ne se mérite pas. Elle existe, et elle nous appelle à une relation plus ouverte, plus juste et plus humaine.

Journal décembre 2025 : Habiter la clarté, accueillir ce qui vient


Hier soir, en relisant les mois qui viennent de passer, j'ai senti quelque chose se déposer en moi, comme si 2025 m’avait doucement reconduit vers un espace intérieur que j’avais longtemps frôlé sans tout à fait l’habiter. Cette année aura été faite d’élans, de résistances, de passages parfois exigeants, parfois lumineux. J'ai l’impression d’avoir avancé sur plusieurs chemins simultanément, mais tous, au fond, convergeaient vers la même vérité en train d’émerger.

Je comprends maintenant ce que je pressentais depuis longtemps sans réussir à le nommer. Je ne suis pas un transmetteur de méthodes ou un vendeur de solutions. J’accompagne à partir d’une présence intérieure, stable et ouverte, qui crée un espace où les autres peuvent respirer, se retrouver, se dire. Cette prise de conscience s’est imposée progressivement, au détour de mes cours, dans mes rencontres avec les proches aidants, dans mes engagements au Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain, et dans le travail silencieux de ma thèse. Comme si toutes les pièces de mon parcours, éclatées à travers le temps, se rassemblaient enfin.

Je sens que 2025 a été une année charnière. Elle m’a appris à renoncer à ce qui n’était plus nécessaire, à reconnaître mes zones de tension, à accueillir le réel plutôt qu’à le survoler. Elle m’a appris à faire confiance à ce qui se tisse discrètement sous la surface. Elle m’a aussi rappelé que l’accompagnement n’est jamais un geste de maîtrise, mais un geste de présence. Et que lorsque je demeure dans cet espace, les groupes, les personnes, les systèmes trouvent eux-mêmes la voie de leur transformation.

En me tournant vers 2026, je sens monter une intention claire. Je veux unifier ce que je porte depuis longtemps : ma posture d’accompagnant, mon travail de professeur, ma recherche doctorale, mes engagements communautaires. Je veux que l’Accompagnement Écosystémique Intégratif soit davantage qu’un cadre théorique. Je veux en faire le souffle qui traverse mes cours, mes ateliers, mes interventions. Et je veux contribuer pleinement au Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain, parce que je sens que ce lieu peut devenir un véritable espace de résonance pour la région, un endroit où l’on pense le vieillissement autrement, avec humanité, lien et dignité.

J’entre dans cette nouvelle année avec le désir d’accompagner à partir d’un climat intérieur de justesse et de calme. D’offrir ma présence aux équipes, aux organisations, aux communautés, comme un point d’ancrage et de clarté. Et de continuer à écrire, à transmettre, à enseigner, non pas pour remplir des cadres, mais pour honorer ce mouvement vivant qui m’habite.

2025 m’a appris à me tenir là où je suis vraiment.
2026 sera l’année où j’oserai marcher à partir de cet espace.

vendredi 12 décembre 2025

Journée mieux-être, le 12 du 12 décembre


On dit que le 12/12 est un seuil, un moment où un cycle se referme pour laisser place à un autre. Ce matin, en voyant la lumière danser autour du Bouddha, j’ai compris que cette journée en porterait la marque.

Grâce au cadeau offert par mes deux nièces, je passerai le jour au spa avec un ami. Un simple geste, mais qui ouvre un passage : celui du repos, de l’amitié, de la permission de se déposer.

Dans la médecine des histoires chère à Mehl-Madrona, les cadeaux sont des messages. Celui-ci me murmure que le mieux-être n’est pas un luxe, mais une manière d’habiter le monde plus doucement.

Dans la chaleur des bains nordiques, en plein cœur de décembre, je laisserai l’année se recueillir en moi. Le 12/12 rappelle que parfois, il suffit d’un moment, d’un ami et d’un geste d’amour pour retrouver le chemin intérieur.

Aujourd’hui, je traverse le seuil.

L’arbre qui nous apprend à tenir

 

Devant cet arbre devenu cathédrale de neige, quelque chose en nous se dépose. La lumière filtrée à travers les branches rappelle que, même en plein cœur de l’hiver, une chaleur discrète continue de circuler. L’arbre tient, enraciné, patient, offert au ciel.

Il nous enseigne que le réconfort n’est pas une fuite, mais une manière de se laisser porter.
Que le courage n’est pas un cri, mais une présence qui demeure.
Que l’audace, parfois, consiste simplement à faire un pas de plus dans la clarté qui s’annonce.

Sous cette voûte blanche, nous apprenons à respirer autrement, à écouter ce qui traverse le temps, à accueillir en nous l’hiver comme une saison de vérité.