dimanche 7 septembre 2025

Quand l’amour qui traverse nous relie

 

Accompagner ne consiste pas seulement à offrir ses forces ou ses réponses : c’est avant tout apprendre à s’ouvrir à une source plus vaste que soi. Dans le silence, dans l’écoute partagée, l’agapè se manifeste comme une énergie de vie qui traverse et relie. Elle devient alors une ressource inépuisable, capable de transformer la fatigue en résonance et la vulnérabilité en dignité retrouvée.

Je me souviens d’un cercle de proches aidants, un soir d’hiver. La fatigue pesait sur les visages, et les mots étaient lourds. L’un d’eux partageait son sentiment d’impuissance devant la souffrance de son parent malade, et tout le groupe semblait retenir son souffle. J’aurais pu chercher une parole réconfortante, une « bonne réponse », mais rien ne venait. Alors, j’ai choisi de demeurer là, présent, dans ce silence partagé.

C’est alors que quelque chose a basculé. Non pas par mon effort, mais comme si une force subtile circulait entre nous. Une tendresse invisible s’est glissée dans le cercle. Le visage de la personne qui parlait s’est adouci, une larme a coulé, et les autres ont commencé à déposer eux aussi leurs fardeaux. Je n’avais rien « fait ». J’avais seulement accueilli cette circulation de vie, cet amour qui, selon Denis Marquet, ne vient pas de nous mais nous traverse : l’agapè.

Relire cette expérience à la lumière de ses mots me permet de comprendre qu’accompagner, ce n’est pas « donner de soi » jusqu’à l’épuisement. C’est s’ouvrir à cette source d’amour plus vaste, infinie, qui se manifeste précisément lorsque nous cessons de vouloir contrôler. L’agapè, dans ce moment, a été le point d’émergence : elle a transformé un espace de lassitude en lieu de résonance, de dignité retrouvée et de souffle partagé.

International Study on Human Flourishing and Forgiveness Circles

 

International Study on Human Flourishing (Harvard) and Forgiveness Circles: Building a Bridge Between Data and Lived Experience


A large international study conducted by Harvard’s Human Flourishing Program across 22 countries offers unprecedented insight into the global practice of forgiveness. The findings are striking in their contrast: about 75% of respondents say they forgive “often” or “always,” while 25% admit they forgive “rarely” or “never.” In other words, one-quarter of humanity remains caught in “unforgiveness.” This reality highlights an urgent need for support and resources to transform wounds into pathways of inner liberation.


Beyond this global picture, the study identifies particularly vulnerable subgroups. Young adults aged 18 to 24, still shaping their identities and relationships, report greater difficulties in forgiving. Unemployed individuals experience socio-economic pressures that deepen their wounds. Those with lower levels of education often lack access to educational and community resources. Finally, individuals with little religious practice have fewer collective frameworks in which to work through forgiveness. These results remind us that forgiveness is not only a personal act but also a communal and social issue.


For those who accompany others, these findings call for renewed practices. Awareness-raising is not enough: we need to create active, embodied spaces where forgiveness can be experienced concretely. The results also stress the importance of tailoring approaches to the contexts and life situations of those concerned. Finally, they underscore a vital distinction: forgiveness is not the same as reconciliation. Forgiveness can coexist with the pursuit of justice, the search for truth, and the establishment of protective boundaries, essential for safety and dignity.


This research deeply resonates with the spirit of Forgiveness Circles. Where the numbers reveal a quarter of humanity imprisoned by unforgiveness, the circles offer a simple and accessible path. Through their ritual and symbolic dimension, they allow individuals to lay down an invisible burden, breathe again, and rediscover inner dignity. Open to all, this path bridges the personal journey and the communal dynamic. The Gift of Forgiveness, in its simplicity, responds directly to the universal need revealed by Harvard.


Thus, forgiveness emerges not only as an intimate experience but also as a universal resource for human and collective transformation. This study strengthens my conviction that we must build strong bridges between academic research, community practices, and the path of forgiveness as Olivier Clerc has initiated. It confirms that forgiveness is both an engine of inner healing and a force for social renewal, contributing fully to human flourishing.


“If we do not give of ourselves to something we love, it is not love.”
Marquis Bureau


In the end, the International Study on Human Flourishing and Forgiveness Circles converge: one highlights the scale of the need, the other offers an embodied path to respond. Together, they open the way toward genuine human flourishing.


Personal Note

I am personally engaged in research on human flourishing with a team of scholars at Saint Paul University, where I am also responsible for relaunching the Centre on Aging, Community, and Human Flourishing. In addition, I serve as a member of the Learning Commission of the Association Pardon Internationale (API). These commitments sustain my conviction that forgiveness and human flourishing together form an essential pathway for our contemporary societies.

samedi 6 septembre 2025

Le Collège des Grands Lacs : une semence féconde oubliée de l’histoire


À l’aube de la célébration du 50e anniversaire du drapeau franco-ontarien, une annonce dans Facebook soulignant la naissance de La Cité en 1990 et du Collège Boréal en 1995 m’a interpellé. Dans ce récit institutionnel, aucune mention n’est faite du Collège des Grands Lacs, pourtant fondé lui aussi en 1995, au cœur du Centre-Sud-Ouest ontarien. Ce silence me pousse à témoigner, afin que cette aventure collective ne disparaisse pas totalement de la mémoire francophone.

J’ai eu l’honneur d’assumer la présidence fondatrice de ce Collège à Welland. Plus qu’un établissement d’enseignement, il voulait être un lieu de reconnaissance identitaire, d’innovation pédagogique et de rassemblement communautaire. Sa devise « Ouvert sur le monde, branché sur l’avenir » traduisait l’ambition d’ouvrir de larges horizons aux étudiantes et étudiants franco-ontarien.nes, dans un contexte largement dominé par l’anglais.

Si le projet du Collège des Grands Lacs n’a pas survécu aux aléas politiques et institutionnels des deux présidences qui m’ont suivies, je n’y vois pas pour autant un échec stérile. Comme le rappelle Charles Pépin, l’échec n’est jamais le contraire de la réussite, mais l’un de ses passages obligés. Cette expérience a ouvert une brèche, semé une conviction, préparé un terrain.

Aujourd’hui, deux collèges francophones, La Cité et Boréal sont solidement implantés dans le Centre-Sud-Ouest. Leur présence témoigne que notre vision n’était pas vaine. Ce que nous avons cru perdu a continué de travailler le sol en silence. L’histoire du Collège des Grands Lacs n’est donc pas seulement celle d’un projet interrompu, mais celle d’une semence féconde, dont les fruits se voient encore dans les murs des institutions d’aujourd’hui.

Étude internationale sur l’épanouissement humain : Le pardon

 

Étude internationale sur l’épanouissement humain (Harvard) et Cercles de Pardon : vers une passerelle entre données et vécu

Une vaste étude internationale menée par le Human Flourishing Program de Harvard, dans 22 pays, offre un regard inédit sur la pratique du pardon à l’échelle mondiale. Les résultats frappent par leur contraste : environ 75 % des personnes interrogées déclarent pardonner « souvent » ou « toujours », tandis que 25 % reconnaissent pardonner « rarement » ou « jamais ». Autrement dit, un quart de l’humanité demeure aux prises avec l’« impardon ». Cette réalité révèle un besoin urgent de soutien et de ressources pour transformer les blessures en chemins de libération intérieure.

Au-delà de ce constat global, l’étude met en évidence des sous-groupes particulièrement vulnérables. Les jeunes adultes de 18 à 24 ans, en pleine construction identitaire et relationnelle, expriment plus de difficultés à pardonner. Les personnes sans emploi subissent des pressions socio-économiques qui amplifient leurs blessures. Les personnes faiblement scolarisées manquent souvent d’accès aux ressources éducatives et communautaires. Enfin, celles qui entretiennent une faible pratique religieuse disposent de moins de cadres collectifs pour cheminer vers le pardon. Ces résultats rappellent que le pardon ne se limite pas à un acte intime : il constitue aussi un enjeu communautaire et social.

Ces données invitent celles et ceux qui accompagnent à revoir leurs pratiques. Il ne suffit pas de sensibiliser : il faut créer des espaces actifs et incarnés où le pardon peut s’expérimenter concrètement. Ces résultats soulignent aussi la nécessité d’adapter les approches aux contextes particuliers et aux réalités de vie des personnes concernées. Enfin, ils rappellent une distinction fondamentale : pardonner ne signifie pas se réconcilier. Le pardon peut coexister avec la recherche de justice, la quête de vérité et la mise en place de frontières protectrices, indispensables à la sécurité et à la dignité.

Cette recherche résonne profondément avec l’esprit des Cercles de Pardon. Là où les chiffres révèlent un quart de l’humanité prisonnier de l’impardon, les cercles offrent une voie simple et accessible. Par leur dimension rituelle et symbolique, ils permettent de déposer un fardeau invisible, de respirer à nouveau et de retrouver la dignité intérieure. Ce chemin, ouvert à toutes et à tous, relie la démarche personnelle et la dynamique communautaire. Le Don du Pardon, dans sa simplicité, répond précisément au besoin universel mis en lumière par Harvard.

Ainsi, le pardon se révèle non seulement comme une expérience intime mais aussi comme une ressource universelle de transformation humaine et collective. Cette étude nourrit ma conviction qu’il est temps de bâtir des passerelles solides entre la recherche académique, les pratiques communautaires et la voie du pardon telle que tu l’as initiée, Olivier. Elle confirme que le pardon agit comme un levier de guérison intérieure et sociale, et qu’il contribue pleinement à l’épanouissement humain.

« Si on ne donne pas de soi à quelque chose que l’on aime, ce n’est pas de l’amour. »
Marquis Bureau

Conclusion
En définitive, l’Étude internationale sur l’épanouissement humain et les Cercles de Pardon convergent : l’une met en évidence l’ampleur du besoin, l’autre propose un chemin incarné pour y répondre, ensemble, elles ouvrent la voie vers un véritable épanouissement humain.

Note personnelle
Je participe moi-même à une recherche sur l’épanouissement humain avec une équipe de chercheurs à l’Université Saint-Paul, où j’ai également la responsabilité de relancer le Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain. Par ailleurs, je suis membre de la Commission de formation de l’Association Pardon Internationale (API). Ces engagements nourrissent ma conviction que le pardon et l’épanouissement humain forment ensemble un chemin essentiel pour nos sociétés contemporaines.

Autour du feu de camp

 

Il arrive qu’on se sente perdu dans un monde qui change trop vite, comme dans une nuit sans repères. Les anciens points de référence ne tiennent plus, et tout semble incertain. Mais dans la nuit, il y a parfois un feu de camp.

Le feu ne supprime pas l’obscurité, mais il offre de la chaleur, de la lumière et un lieu pour se rassembler. Autour de lui, chacun retrouve une place, une écoute, un souffle.

Nos vies ressemblent à ce cercle : il y a des moments où nous devons allumer ou entretenir le feu, par une parole d’encouragement, un geste de soin, une présence gratuite... Ce feu-là, c’est ce qui nous relie et nous aide à continuer, même dans l’incertitude.