vendredi 5 décembre 2025

Parler pour que le monde reste habitable


Ce matin, je me surprends à réfléchir à la parole des dirigeantes et des dirigeants. Non pas à leurs discours programmés, mais à cette voix intérieure qui, lorsqu’elle prend forme publiquement, influence notre manière de vivre ensemble. Je mesure combien chaque mot prononcé depuis une position d’autorité peut soit ouvrir un espace, soit le refermer.

La parole qui rend le monde habitable demande un travail intérieur exigeant. Elle demande la mesure, cette capacité de Ricœur à ajuster son dire à la vulnérabilité des liens qui nous unissent. Elle demande aussi le souci de la pluralité, comme le rappelait Arendt, cette vigilance à créer un espace où chaque personne peut apparaître sans être diminuée. Et elle demande enfin la délibération au sens d’Habermas : cette patience de la discussion où l’on cherche d’abord à comprendre avant de prétendre convaincre.

Je me dis que la politique, au sens noble, devrait être cela : une manière de tenir ensemble la diversité de nos voix. Une manière de parler en sachant que les mots déposés dans l’espace public deviendront des lieux où d’autres devront habiter, respirer, exister.

Parler juste, ce n’est pas parler doucement. C’est parler de façon à ce qu’une place demeure pour chacune et chacun. Peut-être est-ce là la responsabilité la plus discrète et la plus déterminante de celles et ceux qui dirigent : veiller à ce que le monde commun ne cesse jamais d’être un espace où l’on peut encore se rencontrer.

jeudi 4 décembre 2025

Choisir la qualité du lien


Il arrive des moments où nous devons revoir ce que nous acceptons dans notre vie. Ce ne sont pas toujours de grandes décisions. Souvent, ce sont de petits gestes qui naissent d’une prise de conscience. Ils nous rappellent que ce qui compte vraiment, ce n’est pas le nombre d’engagements que nous prenons, mais la qualité des liens que nous créons.

Récemment, une rencontre m’a fait réfléchir à cela. Je me suis rendu compte que l’écoute et le dialogue n’étaient pas vraiment présents. Dans ce genre de situation, il devient difficile d’offrir un espace où les gens peuvent parler librement et se sentir entendus. Je me suis donc arrêté pour choisir ce qui me semblait juste.

Choisir la qualité du lien, c’est reconnaître que certaines relations demandent plus d’efforts qu’elles n’en donnent. Choisir la présence, c’est refuser de se laisser entraîner dans des échanges qui créent de la tension ou qui ne respectent pas notre façon d’être. Choisir la cohérence, c’est rester fidèle à ce qui nous aide à accompagner les autres avec respect et authenticité.

Dire non, parfois, c’est prendre soin de soi et de l’espace que l’on veut créer autour de soi. Ce n’est pas fermer une porte, mais protéger ce qui nous permet d’agir avec clarté et bienveillance.

mercredi 3 décembre 2025

Ranimer le feu du courage : Lâcher-prise en temps de transition

 

Demain à Papineauville, Michel et moi offrirons un atelier consacré au lâcher-prise, un thème que les personnes proches aidantes rencontrent au coeur même de leur quotidien.
Cet atelier est présenté par le CR3A, en collaboration avec le Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain de l’Université Saint-Paul, deux partenaires engagés à soutenir le mieux-être, la dignité et la résilience des communautés.

Être proche aidant, c’est traverser des passages où les repères se déplacent, parfois lentement, parfois brusquement. Dans ces moments, le courage devient un compagnon précieux. Pas un héroïsme extérieur, mais un courage intérieur, celui qui permet de respirer, d’accueillir ce qui change et de retrouver une forme de stabilité en soi.

Cet atelier invite à reconnaître ce qui se transforme, à donner un sens à ces périodes de transition, et à explorer les gestes simples ou plus affirmés qui peuvent soutenir la flamme du courage. Ranimer ce feu, c’est souvent faire un pas authentique vers une manière plus douce d’habiter le changement.

Atelier : Le lâcher-prise, ranimer le feu du courage
Présenté par : Marquis Bureau et Michel Charron
Date : 4 décembre 2025
Lieu : Salle de l’Âge d’Or, Papineauville

Un moment pour se déposer, comprendre, et se rappeler que même dans les turbulences, une part de lumière continue de chercher son chemin en nous.

mardi 2 décembre 2025

La présence comme acte de leadership


Mot de fin de cours

Chères et chers étudiant.es,

Alors que nous arrivons à la fin de notre parcours ensemble, je veux vous laisser avec une réflexion simple, mais essentielle.

Dans un monde où presque tout peut être imité, reproduit ou automatisé, il reste quelque chose qui ne peut être délégué à aucune technologie : votre manière d’être présents. Votre capacité de rencontrer l’autre, d’écouter avec profondeur, d’accueillir la complexité d’une situation et d’ouvrir un espace où une parole vraie peut naître.

Ce que vous avez exploré dans ce cours, ce ne sont pas des recettes. C’est une manière d’habiter la relation. Une manière d’approcher le leadership avec humanité, courage et discernement. Une manière de traverser les conflits non comme des impasses, mais comme des passages où quelque chose de nouveau peut émerger si l’on accepte de rester dans le lien.

Je vous invite à préserver cette présence. À la cultiver. À vous rappeler que votre regard, votre écoute et votre manière d’être au monde ont un impact que rien ne peut imiter.

Les outils changent, les théories évoluent, mais ce qui demeure, c’est la qualité humaine que vous apportez dans chaque interaction.

Merci pour votre engagement, votre sensibilité et votre curiosité tout au long de la session. Merci pour les échanges vrais, pour les questions courageuses, et pour les moments où vous avez accepté de vous impliquer sincèrement.

Je vous souhaite de poursuivre votre chemin avec cette conviction intérieure, douce et forte à la fois : votre présence est un acte de leadership. Elle transformera bien plus que vous ne l’imaginez.

Marquis

lundi 1 décembre 2025

Là où l’intérieur rencontre le monde

 

Ce matin, en buvant mon café, une phrase simple m’est revenue : tu fais dialoguer l’intériorité et le social. C’est ta signature.
Je l’ai laissée résonner. Elle disait quelque chose de vrai.

Depuis longtemps, je vois que l’être humain ne vit jamais seulement “à l’intérieur” de lui-même, ni seulement “dans le monde”. Nous portons tous un espace intérieur, fait d’émotions, de doutes, de rêves et de blessures. Et en même temps, nous vivons dans un contexte qui nous influence : la famille, la communauté, les institutions, la ville ou le village où nous habitons.

Souvent, on pense que nos difficultés viennent uniquement de nos émotions ou uniquement de notre environnement. Mais la vérité est plus simple et plus profonde : les deux sont liés. Notre monde intérieur et notre monde extérieur se parlent sans arrêt, même si nous n’en sommes pas toujours conscients.

Quand j’accompagne quelqu’un, je vois bien ce dialogue invisible. La personne me parle de fatigue, d’inquiétude, de manque d’amour, et je sens le poids de ce qu’elle porte en elle. Mais je vois aussi tout ce qui vient du dehors : les responsabilités familiales, le manque de ressources, la distance entre les villages, les systèmes qui tardent à répondre. Ce que la personne vit en elle est toujours lié à ce qu’elle vit autour d’elle.

Ce lien est essentiel à comprendre. La souffrance n’est jamais uniquement intérieure. Et le changement social ne vient pas seulement de nouvelles politiques. Les deux grandissent ensemble. Quand une personne retrouve un peu de paix, son milieu change aussi. Et quand un milieu devient plus soutenant, le cœur peut respirer davantage.

Je pense que c’est cela, ma manière d’être au monde : créer des espaces où les gens n’ont pas à choisir entre leur cœur et leur communauté. Des espaces où on peut parler de ce qui se passe en nous, tout en voyant comment cela est relié à ce qui se passe autour de nous. Des espaces où l’humain respire tout entier.

Ce matin, je me sens reconnaissant d’avoir compris cela. Et j’ai envie de continuer à travailler là où l’intérieur rencontre le monde. C’est souvent à cet endroit que quelque chose de vrai peut commencer à se transformer.