Ce matin, je me surprends à réfléchir à la parole des dirigeantes et des dirigeants. Non pas à leurs discours programmés, mais à cette voix intérieure qui, lorsqu’elle prend forme publiquement, influence notre manière de vivre ensemble. Je mesure combien chaque mot prononcé depuis une position d’autorité peut soit ouvrir un espace, soit le refermer.
La parole qui rend le monde habitable demande un travail intérieur exigeant. Elle demande la mesure, cette capacité de Ricœur à ajuster son dire à la vulnérabilité des liens qui nous unissent. Elle demande aussi le souci de la pluralité, comme le rappelait Arendt, cette vigilance à créer un espace où chaque personne peut apparaître sans être diminuée. Et elle demande enfin la délibération au sens d’Habermas : cette patience de la discussion où l’on cherche d’abord à comprendre avant de prétendre convaincre.
Je me dis que la politique, au sens noble, devrait être cela : une manière de tenir ensemble la diversité de nos voix. Une manière de parler en sachant que les mots déposés dans l’espace public deviendront des lieux où d’autres devront habiter, respirer, exister.
Parler juste, ce n’est pas parler doucement. C’est parler de façon à ce qu’une place demeure pour chacune et chacun. Peut-être est-ce là la responsabilité la plus discrète et la plus déterminante de celles et ceux qui dirigent : veiller à ce que le monde commun ne cesse jamais d’être un espace où l’on peut encore se rencontrer.




