jeudi 16 octobre 2025

Regarder et voir un arbre, une forêt

 

Il m’arrive souvent en marchant de m’arrêter devant un arbre.
Je pourrais le regarder : observer ses racines, la texture de son écorce, la forme de ses branches.
Je pourrais nommer son espèce, mesurer sa hauteur, décrire la direction du vent dans ses feuilles.
Regarder, c’est déjà un acte d’attention.
Mais c’est encore moi qui regarde, moi qui pose un regard sur quelque chose d’extérieur à moi.

Et puis, il y a ces moments plus rares où je vois l’arbre.
Où le regard s’efface.
Où quelque chose en moi se tait et s’ouvre.
Ce n’est plus un objet devant moi : c’est une présence qui me regarde aussi.
Je ne suis plus le témoin ; je deviens partie prenante d’un dialogue silencieux entre deux vivants.
Dans ce voir-là, il n’y a plus d’observateur et d’observé : il n’y a que la vie qui se reconnaît elle-même.

Voir un arbre, c’est percevoir son souffle lent, son enracinement patient, son alliance avec la lumière et le sol.
C’est sentir que le même mouvement qui le traverse me traverse aussi.
Que sa croissance, sa chute, sa renaissance appartiennent à la même respiration que la mienne.

Regarder la forêt, c’est contempler une multitude d’arbres.
Voir la forêt, c’est entrer dans une conscience du tout, une orchestration invisible où chaque arbre soutient les autres, où le vent, les oiseaux, la mousse, les champignons composent une symphonie de coopération.
C’est sentir que la forêt est une communauté de vie, un organisme unifié par des racines qui se parlent et s’entraident dans l’obscurité du sol.

Entre regarder et voir, il y a un passage : celui du mental au cœur, du savoir à la présence.
Le regard éclaire ; la vision relie.
Regarder demande de l’attention.
Voir demande de la résonance.

Et si nous apprenions à voir nos organisations, nos communautés, nos proches comme on voit une forêt, non plus comme des ensembles d’individus séparés, mais comme des écosystèmes vivants qui respirent ensemble ?

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