Aujourd’hui, je choisis de désapprendre un peu. Pour mieux voir ce qui cherche à naître.
Marquis
Accompagner en lien avec la vie. À l’Université Saint-Paul à Ottawa, là où je m’engage dans la dynamique du Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain, je cultive une approche d’accompagnement écosystémique intégratif. Ce blog est un espace vivant de partage et de sens, où je dépose réflexions, expériences et inspirations pour nourrir une manière d’accompagner plus humaine, plus reliée, plus incarnée.
Le cadre comme point de bascule
Enseigner, c'est souvent transmettre dans un cadre. Mais que devient l'enseignement lorsque le cadre vacille, se fissure ou se déplace? Dans un monde en mutation, marqué par les incertitudes sociales, climatiques, technologiques et culturelles, il devient crucial de reconnaître que le cadre lui-même est mouvant. Pour faire face à l'inédit, il ne suffit pas de maîtriser les contenus : il faut apprendre à danser avec l'incertain. Enseigner devient alors un art du passage, une écoute active du présent.
Enseigner n'est pas figer, c'est habiter
Traditionnellement, l'enseignement repose sur des règles, des planifications, des objectifs d'apprentissage. Pourtant, la vie pédagogique réelle est ponctuée d'événements imprévus : une question qui déroute, une actualité bouleversante, un silence lourd de sens. C'est dans ces brèches que surgit l'inédit, et avec lui, une opportunité de faire de la classe un lieu de révélation plutôt que de reproduction.
Accepter que le cadre soit mouvant, c'est développer une pédagogie de la présence, de l'émergence, de l'ajustement. C'est passer d'un savoir à transmettre à un savoir à co-construire.
Une posture inspirée des approches critiques et transformatrices
Cette posture rejoint les courants de pédagogie critique (Paulo Freire, bell hooks), de pleine présence (Parker Palmer), d'écoute résonante (Hartmut Rosa), mais aussi d'accompagnement écosystémique et narratif. L'enseignant y devient éveilleur, passeur, facilitateur, gardien du sens.
Il ne détient pas la vérité, mais aide à la faire surgir. Il n'impose pas une méthode, mais ouvre un champ de possibilités. Il ne neutralise pas les tensions : il les accueille comme matériaux de travail, porteurs de sens.
Le risque comme matériau pédagogique
Dans ma propre pratique, ce sont les moments de fragilité assumée qui ont produit les apprentissages les plus vifs. Quand un.e étudiant.e ose dire sa colère. Quand un silence révèle une présence. Quand un plan de cours s'efface pour laisser place à l'écoute profonde.
Ces instants ne sont pas des écarts à corriger, mais des seuils à habiter. Ils demandent une qualité de présence, une conscience de soi et des autres, une capacité d'être touché sans être déstabilisé. À cet endroit, l'enseignement rejoint l'accompagnement : il devient soin du lien et soin du sens.
Quand le cadre se transforme en clairière
Je me souviens d'un cours où, à la suite d'un partage vulnérable, le groupe entier a basculé vers une qualité de dialogue imprévue. Nous n'étions plus dans le plan, mais dans le vivant. Le cadre s'était transformé en clairière. Nous étions ensemble en train d'apprendre, en état de vérité partagée.
Une pédagogie de la résonance et du vivant
Pour enseigner dans un monde en mouvement, il ne s'agit pas d'être moins compétent ou moins préparé, mais d'être plus réceptif, plus à l'écoute, plus humain. Face à l'inédit, il ne s'agit pas d'avoir raison, mais d'être juste. L'éducation devient alors un art de la présence, de la résonance, et du témoignage.
Je vivais alors une forme de nomadisme spirituel et existentiel. Avant de m’établir à Gatineau-Ottawa, j’étais ce marcheur des traversées, en quête d’un lieu d’enracinement, pas seulement une adresse, mais un paysage intérieur à retrouver dans la nature. Je rêvais de m’installer près de l’eau et des arbres, ces deux archétypes vivants de fluidité et de profondeur. Je cherchais une terre où le silence aurait le goût des feuilles et des pierres, un lieu d’accueil pour mes propres questions, un abri pour mes pratiques, un port pour mon feu intérieur.
C’est dans cette disposition intérieure que je découvre une proximité avec la figure de Saint Paul, lui aussi un marcheur infatigable, un homme de la Parole en déplacement. Non pas errant, mais envoyé. Non pas fixé, mais fécond dans ses allers-retours entre les communautés, les cultures, les langues. Comme les philosophes itinérants de la Grèce ancienne, Paul allait à la rencontre du monde avec une parole nue, vulnérable, mais portée par un souffle plus grand. Il incarnait une tension féconde entre enracinement et mouvement, entre fidélité à une voix intérieure et accueil de ce qui vient.
Aujourd’hui encore, je me reconnais dans ce double élan : marcher pour entendre, s’enraciner pour transmettre. Le philosophe que l’on nommait alors n’a pas disparu. Il s’est peut-être simplement rapproché de son propre rivage.
Je sais ce que je devrais faire. Ma tête le comprend. J’ai lu, j’ai écouté, j’ai réfléchi. Mais malgré tout cela, je continue parfois à agir comme avant.
Pourquoi?
Parce que comprendre avec la tête ne suffit pas toujours. Le cœur, lui, a besoin de temps. Et le corps, lui, garde les vieilles habitudes, même quand on veut changer.
Alors j’essaie autre chose. J’écoute ce que je ressens. Ce qui fait peur, ce qui fait mal, ce qui rêve encore. Et petit à petit, je sens un changement.
Changer, ce n’est pas seulement savoir quoi faire. C’est quand ce que je sais touche mon cœur, et que je suis prêt à m’aimer un peu plus. C’est là que tout peut commencer.
Athènes m’a offert son chaos lumineux, ses temples de marbre et ses ruelles bruissantes. J’y ai entendu la voix de Socrate, non pas dans les discours, mais dans les silences entre les mots : « Connais-toi toi-même ». Il ne s’agissait pas de comprendre, mais d’écouter. De laisser le rationnel s’incliner devant l’expérience.
À Delphes, ce ne fut pas un message clair, mais un frisson. Le genre de frisson qui réveille la mémoire de l'âme. Je ne suis pas reparti avec des réponses, mais avec une certitude tranquille : celle d'être sur le bon chemin. Il ne s’agit plus pour moi d’atteindre un sommet, mais d’entretenir un feu.
J’ai aussi marché à Corinthe, et dans l’intime compagnonnage avec Michel, j’ai goûté à une forme de pèlerinage moderne, où le sac à dos est plein de questions et les routes bordées de symboles. Les lettres de Paul aux premières communautés résonnent différemment quand on les lit sur les lieux mêmes de leur envoi. Ce n’est plus une lecture théologique. C’est un dialogue d’homme à homme, de foi à foi, de vulnérabilité à courage.
Ce voyage, je l’ai vécu comme un passage. Un rituel silencieux de transformation. Il n’y a pas eu de grands événements. Mais dans le quotidien du marcheur, dans les gestes simples et les respirations partagées, j’ai senti une résonance profonde entre le dehors et le dedans.
Ce que je ramène de la Grèce, c’est peut-être cela : une manière nouvelle d’habiter mes questions, de goûter au mystère sans le forcer. D’accueillir les enseignements non comme des vérités à transmettre, mais comme des invitations à être.
C’est dans ce sens que mon séjour en Grèce n’était pas un voyage, mais une offrande. Une offrande que je reçois, et que je choisis maintenant de partager, pour celles et ceux qui, comme moi, avancent de question en silence, et de silence en confiance.
L’abeille qui butine de fleur en fleur sait-elle qu’elle est en train de faire du miel? Sans doute pas. Elle suit simplement l’élan de sa nature, répond à l’appel des couleurs, des parfums, de la vie qui l’entoure. Et pourtant, de ses allers-retours patients naît un trésor, le miel, fruit d’une collaboration invisible entre elle, les fleurs et la ruche.
Cette image me touche profondément. Elle nous rappelle que, tout comme l’abeille, nous tissons du sens et de la guérison sans toujours le savoir, à travers nos relations, nos gestes quotidiens, nos engagements. Chacune de nos rencontres est une fleur visitée. Chaque attention, chaque parole bienveillante est un grain de pollen qui se transforme, un jour, en douceur partagée.
En marchant humblement sur notre chemin, nous participons à une œuvre qui nous dépasse. Et peut-être est-ce là, comme le dirait Lewis Mehl-Madrona, la plus belle médecine : celle qui se révèle dans la réciprocité du lien et l’alchimie de la relation.
La Vie me donne des quoi, la tête des comment, le cœur des pourquoi, et le corps des où et quand.
C’est dans ce dialogue entre ces quatre dimensions que se construit notre humanité. La Vie nous interpelle avec ses invitations et ses épreuves (quoi), la tête organise, planifie et éclaire le chemin (comment), le cœur y met du sens, de la direction et de la résonance (pourquoi), tandis que le corps, ancré dans la réalité tangible, nous rappelle où et quand incarner ces élans. Sans lui, aucune pensée ni aucun sentiment ne se transforme en action. Le corps est la scène où la sagesse de la tête et du cœur prend véritablement forme, dans l’ici et maintenant.
Pour comprendre ce qui n’est pas visible, tu dois développer d’autres yeux, ceux du cœur, qui ne voient pas mais ressentent. Cette phrase nous invite à aller plus loin que ce que l’on voit avec nos yeux. Avec les « yeux du cœur », on ne regarde pas seulement l’extérieur : on ressent, on perçoit ce qui est vrai à l’intérieur de soi et chez les autres. Ces yeux du cœur nous aident à sentir les émotions, la bonté, la peine, la beauté, et tout ce qui rend la vie plus riche et plus humaine.
C’est cette vision qu’on acquiert en avançant en autonomie. Être autonome ne veut pas dire être seul, mais apprendre à se faire confiance et à écouter son intuition. Cela veut dire aussi oser penser par soi-même, sans se laisser influencer par ce que les autres attendent de nous ou par la peur de se tromper.
Quand on devient plus autonome, on est plus capable d’écouter son cœur et de suivre ce qui est important pour soi. On comprend mieux ce que l’on vit et ce que les autres vivent. Cela nous aide à mieux accompagner les autres, à être plus attentif, et à agir avec respect et bienveillance.
En développant ces « yeux » du cœur, on apprend à voir la vie d’une manière plus profonde et plus juste.
Tout au long de la journée, j’ai vu les idées émerger sans que nous ayons à les forcer, les conversations se croiser dans une liberté presque organique. C’est dans ces instants imprévus, dans les silences entre les paroles, dans le courage d’un participant à partager une intuition fragile, que se dessinait le fil d’une sagesse commune.
Ce qui me touche, dans le Forum Ouvert, c’est justement cette façon de laisser la place à ce qui est. Pas d’ordre du jour rigide, pas de hiérarchie dans les voix : juste une écoute attentive aux signes, aux présences, aux questions que chacun porte. Il y a là une forme d’écologie relationnelle, une manière d’habiter le groupe qui fait confiance à la capacité du moment à être son propre guide.
Aujourd’hui, les événements eux-mêmes, les rencontres impromptues, les divergences feutrées, les rires au coin d’un tableau blanc sont devenus des enseignants. Dans leur simplicité, ils rappellent que le cœur de notre humanité collective se révèle quand on lui offre un espace ouvert, un temps suspendu.
En ce sens, le Forum Ouvert est une invitation à danser avec l’inattendu, à embrasser le surgissement du réel. Et moi, en quittant ce cercle, je garde en moi cette leçon essentielle : les événements, quand on les accueille, savent être de merveilleux pédagogues.
Ce matin, je me surprends à chercher ce silence en moi d’où l’on voit plus loin.
Tout a commencé dans le cercle du Don du Pardon, où une quinzaine de personnes se sont réunies dans une écoute profonde. Ensemble, nous avons exploré ce qui nous alourdit, ce qu’il est temps de libérer. C’était émouvant, vrai, parfois intense et d’une beauté qui me touche encore ce matin.
En sortant, le soir, je me suis laissé porter par l’énergie festive des Francos de Montréal. La musique, les rires, les visages illuminés dans la foule… une autre forme de communion, simple et spontanée, qui a fait vibrer une joie partagée dans la chaleur de l’été.
Après une bonne nuit de sommeil, je me sens ressourcé, le cœur apaisé, prêt à accueillir une nouvelle journée d’atelier. Ce matin, je rejoins à nouveau des participant·es extraordinaires pour continuer ce voyage au pays du pardon, une aventure humaine que je suis profondément heureux d’accompagner.
Avancer en autonomie, ce n’est pas s’éloigner des autres, c’est apprendre à marcher avec soi, en paix, libre d’attendre l’approbation, mais ouvert à la rencontre. C’est oser poser un pas qui vient de l’intérieur.
Marquis
Je me suis souvent engagé avec confiance, avec cette générosité intérieure qui croit au lien, à la beauté du faire-ensemble. J’ai offert le meilleur de moi, croyant que cela suffisait à susciter la réciprocité.
Mais je découvre que mon ouverture, parfois, a été lue comme une ressource à capter, une compétence à utiliser, une présence à instrumentaliser et non comme une personne à rencontrer.
Cela ne me rend pas amer. Mais lucide.
Cela m’apprend à mieux discerner où mon cœur peut vraiment s’enraciner, dans des terres humaines où l’on cultive la réciprocité, le soin du lien, l’authenticité partagée.
Je ne veux plus seulement être utile. Je veux être rencontré.
Ce matin, je choisis de rester ouvert, mais avec sagesse.
De continuer à aimer, sans me perdre.
D’offrir, sans me sacrifier.
De croire encore, mais autrement.
Il y a 30 ans, j’ai fondé le Collège des Grands-Lacs. C’était une aventure passionnée, mais prématurée. Je portais une vision forte, mais je n’avais pas encore la formation requise pour diriger et administrer une telle entreprise. J’étais un jeune idéaliste, habité par un rêve immense… mais encore en apprentissage du réel.
Aujourd’hui, en participant au renouvelant du Centre sur le vieillissement, la communauté et l’épanouissement humain de l’Université Saint-Paul, c’est une autre transition qui s’amorce. Un déplacement. Un passage. Un réajustement intérieur.
Je ne suis plus dans l’urgence de bâtir.
Je cherche désormais à habiter un espace vivant :
un Centre qui s’écoute autant qu’il agit,
qui relie autant qu’il structure,
qui s’enracine dans les besoins humains, les liens intergénérationnels, les gestes silencieux du soin.
Je ne porte plus un projet pour lancer une institution.
Je réponds à un appel pour tisser un écosystème.
Ce que je cherche aujourd’hui, c’est une présence collective et incarnée, au service de la communauté vieillissante, de ceux qui accompagnent, de ceux qui portent la mémoire, et de ceux qui rêvent encore, doucement.
Le rêve n’a pas disparu.
Mais il est devenu terre, voix, feu intérieur.
Je me suis fondé moi-même, pour mieux accompagner les autres.
Et si je peux aujourd’hui parler d’autonomie spirituelle, c’est parce que j’ai accepté d’en passer par le dépouillement, le silence, la remise en question… et la confiance lente en ce qui veut naître au bon moment.
Je n’ai plus besoin d’imposer un sens.
Je m’efforce de l’écouter.
Et, chaque jour un peu plus, je choisis de l’habiter.
Marquis
Ce matin, j’ai senti que je ne voulais plus tourner en rond.
Je ne veux plus alimenter le vieux cycle blessure–revendication.
Je choisis de marcher autrement.
Le pardon, pour moi,
ce n’est pas excuser ni oublier.
C’est reconnaître ce qui a été, sans m’y accrocher.
C’est libérer l’espace intérieur occupé par l’attente,
par le besoin que l’autre reconnaisse ou répare.
Je passe au cycle reconnaissance–libération.
Je redeviens l’auteur de mon souffle.
Je dépose l’histoire…
Et j’avance, plus léger.
Combien de fois avons-nous orienté notre vie comme une ascension, croyant que le sens se trouvait là-haut, quelque part, dans un sommet à conquérir, une réussite à accomplir, une reconnaissance à obtenir? Ce modèle de la montée si ancré dans notre imaginaire nous pousse à toujours viser plus haut, plus loin, plus vite. Et pourtant, au fil du temps, beaucoup découvrent que le véritable enjeu n’est pas dans l’atteinte, mais dans la présence.
Entretenir un feu, c’est tout autre chose que gravir une montagne. Cela demande attention, régularité, douceur. Un feu ne se laisse pas brusquer. Il réclame notre soin, notre chaleur, notre écoute. Il ne récompense pas l’effort héroïque, mais la fidélité humble et patiente.
Dans cette lumière, la vie n’est plus une série d’objectifs à cocher, mais une invitation à cultiver ce qui nous habite en profondeur : la flamme de notre élan, de notre amour, de notre foi, de notre être. Ce feu, c’est peut-être notre désir de vivre avec cohérence, d’aimer avec justesse, de créer, de transmettre, de relier.
Aujourd’hui, je choisis de descendre de mes sommets imaginaires pour revenir à l’essentiel. À ce qui réchauffe, éclaire, rassemble.
Je n’ai rien à prouver. Seulement un feu à entretenir.
Sortir de l’ombre les personnes proches aidantes,
c’est plus qu’un acte de reconnaissance :
c’est poser un geste fondateur d’inclusion.
Car chaque fois qu’une aidante est vue, entendue, soutenue,
c’est toute la société qui respire un peu mieux.
Valoriser leur rôle, c’est enclencher un cercle vertueux :
celui d’un mieux-vivre ensemble fondé sur la réciprocité,
la dignité, et le soin mutuel.
Ce que nous offrons aux aidants,
nous l’offrons silencieusement à notre propre avenir.
Accompagner une personne proche aidante ne consiste pas seulement à offrir un service ou à transmettre des informations. C’est une manière d’habiter la relation, de créer un espace sûr où la fatigue peut se déposer, où la parole peut retrouver sa fluidité, et où l’être peut à nouveau respirer dans l’intime de ce qu’il traverse.
Ce chemin d’accompagnement m’a demandé de désapprendre les réflexes de réparation immédiate pour apprendre à écouter sans vouloir corriger, à accueillir sans chercher à orienter, à reconnaître la dignité de l’autre sans projeter ma propre vision de ce qui devrait être. Cela m’a appris à faire silence, à ralentir, à devenir présence plutôt que solution.
Ce que je propose aujourd’hui est le fruit d’années d’écoute, de présences partagées, de paroles recueillies. C’est une pratique ancrée dans le réel, nourrie par l’humilité, et orientée par une foi simple : celle que toute personne porte en elle une force de vie que l’on peut choisir d’honorer ensemble.
Il arrive que nos journées soient si remplies d’obligations, de pensées, de réponses à formuler, que notre âme se replie, réduite à un souffle discret au fond de nous. Pourtant, il est des moments, un matin brumeux, un vent dans les feuillages, un silence entre deux paroles qui nous rappellent que notre être ne se limite pas à nos rôles ni à nos tâches.
Laisser son âme s’étendre dans l’espace, c’est lui donner la permission de ne pas tout porter. C’est habiter l’instant non comme un devoir à accomplir, mais comme un espace à ressentir. C’est ouvrir nos contours intérieurs pour épouser la vastitude d’un ciel, la lenteur d’un rivage, la lumière d’un regard.
Dans un monde pressé, c’est un acte de résistance douce : retrouver la respiration profonde de notre être, écouter ce qui vibre au-delà des mots, et s’enraciner dans la paix d’exister. Là, l’âme se souvient de sa liberté.
Chaque matin est une porte entrouverte vers une possibilité nouvelle. Ce que nous transformons à l’intérieur , une peur accueillie, une intention posée, une blessure apaisée, un souffle conscient devient un levier subtil qui agit, sans bruit, sur notre réalité extérieure.
Ainsi, ce n’est pas seulement le monde qui nous façonne, c’est aussi notre monde intérieur qui sculpte nos rencontres, notre façon d’aimer, d’écouter, d’habiter le quotidien. Lorsque je me donne la permission de changer, même doucement, je change la qualité de ma présence et cette présence transforme mes liens, ma journée, mon environnement.
Ce matin, que puis-je laisser se métamorphoser en moi pour que ma manière d’être devienne semence de paix, d’authenticité ou de courage dans ce que j’aurai à vivre?
En cette cinquième journée d’exploration des dimensions spirituelles de l’accompagnement de groupe, une parole silencieuse nous habite : accompagner, ce n’est pas simplement guider un processus, c’est habiter un monde. C’est entrer dans une relation vivante avec l’humain, le plus-que-humain, le mystère et le mouvement.
Nous vivons une époque marquée par des fractures personnelles, sociales et spirituelles. Le 21e siècle nous bouscule. Il nous convoque à sortir du mode « gestion », du mode « intervention », pour entrer dans une posture de présence radicale. Une présence qui ne cherche pas à résoudre, mais à accueillir. Une présence qui reconnaît le sacré dans le désordre, la beauté dans les marges, la reliance dans le silence.
La spiritualité que nous explorons ici n’est pas en surplomb. Elle est enracinée. Elle circule dans les cercles, dans la respiration du groupe, dans les regards qui se posent et les silences qui soutiennent. Elle s’incarne dans notre façon d’être ensemble, d’écouter sans vouloir corriger, d’accompagner sans diriger.
L’écospiritualité, elle, nous rappelle que chaque accompagnement est aussi une conversation avec la Terre. Que chaque groupe est un microcosme du vivant. Que nos blessures psychiques sont souvent les reflets de blessures systémiques, sociales, écologiques. C’est pourquoi nous parlons d’un accompagnement écopsychosocial : une démarche qui relie le cœur, le corps, la communauté et la planète.
Aujourd’hui, nous ne cherchons pas à maîtriser des outils. Nous cultivons une éthique du lien. Une hospitalité intérieure. Une capacité à nous tenir debout, dans la tempête comme dans la lumière, au service de ce qui cherche à naître.
Et si accompagner, au fond, c’était cela : s’incliner devant le vivant, et ouvrir un espace pour que la vie en soi, en l’autre, en le monde puisse respirer?
Ils sont venus d’ici et d’ailleurs, d’Ottawa-Gatineau, de l’Abitibi, du Témiscamingue, des Laurentides, de l’Estrie portant chacun une histoire, un souffle, un silence. Par routes droites ou sinueuses, parfois après des heures de voyage, ils ont répondu à l’appel du cœur : celui de se rassembler, non pas pour fuir le passé, mais pour l’habiter autrement.
Leur déplacement n’était pas seulement géographique. C’était un mouvement intérieur. Un choix de présence, de vulnérabilité, de disponibilité à l’inattendu. Dans le Cercle de Pardon, ils ont accepté de déposer un peu de ce qui pèse, d’écouter ce qui résonne, de s’ouvrir à ce qui guérit.
Ensemble, ils ont formé un cercle vivant fait de silences habités, de regards sincères, de gestes simples et de présences pleines. Un cercle où chacun, venue de loin ou de près, devenait un repère pour l’autre. Un lieu où l’on ose ne plus porter seul.
Et c’est peut-être cela, la beauté profonde du pardon : il commence souvent par un déplacement… vers l’autre, vers soi, vers un espace où l’on peut, enfin, respirer ensemble.
Fais-moi rêver d’une table où chacun aurait sa place, non pas par privilège ou par conquête, mais par droit d’être, tout simplement.
Fais-moi rêver d’un lieu où les voix les plus discrètes seraient entendues avant les plus fortes.
Où le pouvoir ne serait pas un sommet à défendre, mais une responsabilité à partager.
Chère démocratie, fais-moi rêver d’assemblées vivantes, où l’on débat sans se déchirer,
où l’on écoute pour comprendre, pas pour répliquer.
Fais-moi rêver de dirigeants qui se souviennent qu’ils sont d’abord au service du vivant,
du fragile, du futur et non de l’instant ou de leur image.
Fais-moi rêver d’une démocratie à hauteur d’enfant,
capable d’imaginer, de jouer, de réinventer le monde sans peur du ridicule.
D’une démocratie enracinée dans le cœur des territoires,
et non seulement dans les mots des technocrates.
Fais-moi rêver d’une démocratie lente parfois, mais juste.
D’une démocratie qui s’agenouille pour soigner,
qui se penche pour écouter,
et qui se lève pour défendre la dignité.
Chère démocratie, fais-moi rêver…
Parce que j’ai besoin, aujourd’hui, plus que jamais,
de croire qu’un autre « nous » est possible.
Un nous qui ne s’impose pas, mais qui s’invente ensemble.
Hier soir à Gatineau, nous étions plus de 50 participant.es réunis pour un atelier vibrant et profondément humain. Avec mon complice Michel, j’ai eu le privilège de coanimer cette rencontre autour de la paix, de l’écoute et du lien.
Un immense merci à l’Archidiocèse de Gatineau et à l’Institut Providence de leadership transformatif de l’Université Saint-Paul pour ce partenariat porteur.
Ensemble, nous avons exploré des pistes concrètes pour cultiver des relations plus justes et plus harmonieuses dans nos milieux paroissiaux.
Merci à chacune et chacun pour votre présence, vos partages et votre engagement.
Ce matin, je choisis de m’asseoir avec ce qui est là.
Non pour accumuler une pensée de plus, un projet de plus, une intention de plus, mais pour faire de la place.
Je sens que trop souvent, je transporte avec moi des sacs invisibles :
des pensées en surplus, des obligations que je n’ai jamais choisies,
des fidélités anciennes qui n’ont plus d’élan.
Aujourd’hui, je ne cherche pas à tout régler.
Je cherche à désencombrer l’intérieur,
comme on entrouvre une fenêtre pour laisser entrer l’air du matin.
Car pour habiter pleinement, il faut d’abord retirer ce qui obstrue,
laisser partir ce qui n’a plus sa place dans la maison de l’être.
Je ne suis pas ce que je possède.
Je ne suis pas mes courriels en retard.
Je ne suis pas non plus ce que je n’ai pas accompli.
Je suis un lieu habitable.
Et j’ai le droit, chaque jour, de remettre un peu d’ordre doux,
non pour contrôler, mais pour retrouver le centre.
Hier, au cœur du Pow-wow du 50e anniversaire d’Odawa, j’ai ressenti bien plus qu’une célébration : j’ai été témoin d’une mémoire vivante, transmise dans les cercles de danse, les mains tendues, les regards dignes. Ce n’était pas seulement une fête, mais un ancrage, un rappel que la joie peut être une forme de résistance, que la fierté identitaire peut guérir, et que la communauté se tisse dans la répétition des gestes sacrés, des chants anciens et de la présence respectueuse.
Dans chaque pas des danseurs, j’ai vu le poids du passé, le souffle du présent et l’appel du futur. La fête n’était pas une parenthèse : elle était un enseignement. Un moment pour honorer ceux et celles qui gardent vivante la langue, les traditions, la Terre et le lien entre les générations. Un moment pour me rappeler que vivre en relation avec les autres, avec les peuples autochtones, avec le territoire est un acte d’alliance.
Et je repars avec une promesse intérieure : écouter davantage, apprendre avec humilité, et contribuer, à ma mesure, à un avenir qui honore la mémoire et la dignité des Premiers Peuples.
Je suis heureux de vous annoncer un bel atelier offert en collaboration avec l’Institut Providence de Leadership transformatif de l’Université Saint-Paul. Cet atelier s’appelle « Mieux vivre ensemble et apaiser les conflits en paroisse ». Il est ouvert aux paroissien.nes, bénévoles et membres des équipes pastorales des paroisses de l’Archidiocèse de Gatineau.
Juste assez pour me sentir accueilli.e, même tremblant.e.
Pas trop, pour ne pas m’engourdir.
Mais assez pour oser m’approcher de mes zones d’ombre sans m’y perdre.
Assez pour rester debout, vulnérable, avec le cœur ouvert.
Parce que c’est dans cet espace fragile, entre sécurité et vertige,
que naît la transformation.
Et si le plus grand courage était de redevenir capable d’émerveillement ?
S’émerveiller sans cynisme.
Regarder sans juger.
Écouter sans se défendre.
Retrouver en soi l’espace silencieux qui n’a jamais cessé d’aimer.