Alors que je m’apprête à enseigner une fin de semaine expérientielle et intensive à l’Université Saint-Paul, consacrée à l’intelligence émotionnelle, je ressens cette douce tension entre l’élan et la contemplation.
L’enseignement interculturel n’est pas un défi à surmonter, mais une chance d’élargir notre humanité
Chaque fois que j’entre dans une salle de classe, je sens le monde respirer à travers les visages qui m’attendent. Des voix venues d’Afrique, des Antilles, du Maghreb, d'Europe, du Canada… Des histoires d’apprentissage qui ne parlent pas toutes la même langue, mais qui partagent un même élan : celui de comprendre et de se comprendre.
Pendant longtemps, j’ai perçu cette diversité comme une complexité à apprivoiser, presque comme un obstacle pédagogique. Aujourd’hui, je la vois comme une invitation à grandir. L’enseignement interculturel n’est pas une épreuve, c’est une chance, celle d’élargir notre regard sur ce que signifie apprendre.
Quand un.e étudiant.e me récite un texte avec la précision d’un chant appris, je n’y vois plus un manque d’esprit critique. J’y reconnais un geste d’honneur, une fidélité à la parole reçue. Quand un.e autre hésite à me contredire, je n’y lis plus la peur de s’exprimer, mais le respect d’une relation qu’elle/il ne veut pas blesser. Ces gestes, ces silences, ces nuances sont les empreintes de cultures d’apprentissage qui portent en elles une sagesse différente : celle du lien avant le débat, de la mémoire avant la rupture.
Dans ces moments, je me rends compte que nous n’enseignons jamais seul.es. Nous sommes accompagné.es par des siècles de traditions, de valeurs, de manières de penser qui se croisent et se répondent. Enseigner, c’est accueillir ces mémoires et les faire dialoguer. C’est apprendre à écouter avant de transmettre.
À l’Université Saint-Paul, j’ai appris que le véritable acte pédagogique est un acte de traduction : faire circuler la connaissance entre des mondes, sans la réduire ni la trahir. Cela demande de la patience, de l’humilité et parfois le courage d’admettre que nous ne savons pas tout de l’autre.
Alors, au lieu de chercher à surmonter les différences, apprenons à nous en émerveiller. Chaque accent est un poème, chaque hésitation une prière, chaque regard une invitation à élargir notre humanité.
C’est là, dans cette résonance silencieuse entre les cultures, que je découvre ce que veut dire vraiment enseigner : se laisser transformer par celles et ceux que l’on accompagne.

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