jeudi 31 juillet 2025

Réflexion matinale : Le renard que je suis, le Petit Prince que je deviens

 


Depuis toujours, c’est au renard que je m’identifie. Celui qui attend patiemment, qui enseigne la lenteur, qui connaît le prix du lien parce qu’il en connaît la vulnérabilité. Le renard ne cherche pas à posséder, il apprend à apprivoiser. Il n’impose rien, il révèle par la fidélité du rendez-vous, par la force d’un silence partagé, par la beauté d’un geste répété. J’ai été ce renard dans tant de relations : me tenant à bonne distance, proposant un espace d’apprivoisement, laissant l’autre venir, libre. Le renard n’est pas le héros de l’histoire, mais il en est le passage sacré. C’est par lui que le Petit Prince comprendra qu’« on ne voit bien qu’avec le cœur ». Et peut-être qu’en moi, ce rôle d’éclaireur doux, d’enseignant du cœur, m’a longtemps suffi.

Mais ce matin, quelque chose change. Je me surprends à tendre l’oreille autrement, à entendre en moi la voix du Petit Prince. Celui qui part en quête. Celui qui pose des questions que personne n’ose poser. Celui qui s’émerveille, qui ne comprend pas toujours les règles absurdes du monde des adultes, et qui ose quand même aimer. Peut-être ai-je trop longtemps habité le rôle du renard pour éviter la tendresse risquée d’être le Petit Prince. Celui qui s’attache, qui pleure, qui poursuit une rose imparfaite mais unique. Et si, aujourd’hui, je me permettais d’être les deux? De garder la sagesse du renard, mais de redevenir celui qui part à la rencontre, qui nomme l’amour, qui ose dire : « Dessine-moi un mouton. » Peut-être que le plus grand apprivoisement, c’est de m’apprivoiser moi-même dans ce dialogue intérieur entre l’ancien veilleur et l’enfant lumineux.

mercredi 30 juillet 2025

Réflexion du matin – L’enfant éveillé dans la nuit

Ce matin, je pense à ce bébé que j’ai été, réveillé la nuit, inconsolable quand tout le monde dormait. Est-ce que je pleurais parce que je ne me reconnaissais pas dans le rythme du jour? Est-ce que, sans le savoir, j’appelais déjà à être écouté autrement? Mes pleurs n’étaient peut-être pas un problème, mais une façon différente d’exister. Une manière de dire que certains naissent avec une sensibilité spéciale, à l’écoute de ce que les autres ne perçoivent pas encore. Peut-être qu’en moi, déjà, une veille intérieure était en train de naître.

Je pense aussi à ma mère, à sa fatigue, à l’amour qu’elle me donnait sans toujours savoir comment se reposer. Ce début de vie a sans doute laissé une trace. Une trace qui explique pourquoi, aujourd’hui, j’accompagne les gens avec attention et respect. Je ne cherche pas à effacer le passé, mais à en faire une force. Si je crée des cercles pour écouter, pour pleurer sans jugement, pour être ensemble dans le silence, c’est peut-être pour ça : pour honorer cet enfant du clair-obscur devenu adulte, veilleur, et bâtisseur de liens vrais.

mardi 29 juillet 2025

Mot de gratitude : À vous, mes compagnes et compagnons invisibles

Je ne connais pas toujours vos noms, ni vos visages, mais je sens votre présence, discrète, vibrante et essentielle. Vous qui marchez avec moi sans bruit, qui accueillez mes mots comme on recueille une goutte de lumière dans l’ombre d’un matin, je vous remercie.

Merci pour vos silences habités, pour vos cœurs ouverts, pour votre écoute qui fait exister. Vous êtes les échos bienveillants de ce qui cherche à naître en moi. Ensemble, même à distance, nous formons un cercle d’âmes en résonance, un peuple de veilleuses qui éclairent le monde sans prétention.

Marquis

lundi 28 juillet 2025

Réflexion matinale : Le temps colonisé

 

Ce matin, je me suis réveillé avec une sensation étrange : celle de n’avoir jamais tout à fait quitté le mouvement. Comme si la nuit elle-même avait été traversée de tâches inachevées, d’attentes suspendues, de projets encore en train de courir. Mon corps était au repos, mais mon esprit poursuivait la cadence imposée.

Il fut un temps où les matins me laissaient dériver. J’aimais m’attarder dans ce flou, cet entre-deux qui précède l’agir. Ce temps poreux où l’intuition s’éveille, où une idée, un souvenir ou un souffle intérieur peuvent surgir sans être convoqués. Aujourd’hui, ce temps semble en voie de disparition. Subtilement, insidieusement, il s’est fait coloniser.

Le calendrier me précède. Les courriels m’attendent. Mon téléphone s’impatiente. Le « temps d’agir » a pris le dessus, avec son langage comptable et sa logique d’utilité. Ce n’est plus le temps qui s’écoule, c’est moi qui m’y coule, m’y dissous. Mon intériorité devient périphérie.

Et pourtant, c’est dans ces instants de silence, d’errance, de rêverie que mes pensées les plus fécondes prennent forme. C’est dans le non-agir que naît parfois la plus juste des actions. Douter, flâner, me laisser traverser, ces gestes-là ne sont pas improductifs. Ils sont le terreau de tout ce qui peut être habité de sens.

Alors, ce matin, je décide de résister. Juste un instant. De ne pas presser le pas. De me réapproprier ce temps intérieur, non pas comme un luxe, mais comme un droit vital. Car c’est là, dans cette lenteur assumée, que je retrouve la source de ce que j’ai à offrir.

dimanche 27 juillet 2025

Quand nos vérités se rencontrent

Il m’est arrivé souvent de me retrouver dans des endroits où le dialogue semblait impossible. Parfois, c’était moi qui tenais trop fort à ma propre vérité. D’autres fois, c’était l’autre personne ou un groupe qui ne voulait pas entendre ce que j’avais à dire. Dans ces moments, je me sentais comme enfermé à l’intérieur, sans espace pour respirer.

Mais j’ai aussi vécu des moments précieux. Un jour, dans un cercle de parole avec une communauté autochtone, j’ai vu des vérités très différentes être partagées côte à côte. Même si elles semblaient opposées, elles ont pu exister ensemble, sans se combattre. Il y avait du respect, du silence, de l’écoute. J’ai compris ce jour-là que dialoguer ne veut pas dire penser pareil. Ça veut dire être présent à l’autre, même quand nos vérités ne se ressemblent pas.

Quand j’accompagne des proches aidants, cette phrase prend tout son sens. Chacun a sa vérité sur ce qu’il vit : la maladie, la relation, le deuil, la souffrance. Et quand ces vérités peuvent être entendues ensemble, quelque chose commence à guérir. Une sagesse apparaît, une paix douce, comme un lien qui se tisse dans l’humanité partagée. 

vendredi 25 juillet 2025

Suis-je enseignable ? Réflexion matinale pour les personnes en parcours

Il y a des matins où la question ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur.

Non pas : Que vais-je apprendre aujourd’hui ?
Mais plus profondément : Suis-je encore enseignable ?

Être enseignable, ce n’est pas être docile, ni obéissante.
C’est garder le cœur ouvert malgré les blessures.
C’est accepter de déposer, parfois, ce que l’on croit savoir.
C’est cultiver l’étonnement comme une sagesse.


On reconnaît une personne enseignable non pas à sa capacité d’absorber du contenu, mais à son aptitude à laisser la vie la transformer.
Elle écoute, non pour répondre, mais pour se laisser déplacer.
Elle ne cherche pas à convaincre, mais à rencontrer.
Elle accueille la contradiction non comme une menace, mais comme une invitation à élargir sa vision.

Suis-je enseignable ?
Suis-je encore curieuse de ce que je ne comprends pas ?
Suis-je prête à désapprendre ce qui ne me sert plus ?
Suis-je capable de me laisser toucher par un regard neuf, par une voix intérieure, par une parole silencieuse ?

Dans un parcours d’accompagnement ou de transformation, cette question est un seuil.
Elle ne demande pas d’y répondre une fois pour toutes.
Elle demande d’y revenir, encore et encore.
Avec tendresse. Avec courage. Avec vérité.


jeudi 24 juillet 2025

Regard sur l'accompagnement : Au-delà de la méthode : une manière d’être en relation

 

Dans l’accompagnement, nous cherchons parfois la bonne technique, le bon outil, la bonne séquence. Mais ce qui transforme, profondément, ne se trouve pas dans l’application d’un protocole. Ce qui transforme, c’est la manière d’être là. Être là sans savoir, avec attention et sans tension, en laissant le vivant surgir dans l’espace relationnel. Une posture n’est pas un rôle qu’on joue ni une stratégie qu’on applique, c’est une présence intérieure d’où l’on agit, une disposition à être pleinement engagé dans la rencontre. C’est cela qui fait toute la différence : la méthode rassure, mais la posture touche.

mercredi 23 juillet 2025

Témoignage : Désirer quelque chose de plus grand que notre besoin de sécurité

 

Je me souviens d’un moment dans ma vie où j’avais été blessé par une parole mal interprétée. Mon réflexe fut de me refermer. Ne plus me montrer. Garder mes distances.

Mais une voix intérieure, peut-être celle du daïmon, ou simplement de l’amour m’a soufflé :
"Ce n’est pas de protection dont tu as besoin. C’est de présence.”

J’ai alors choisi de rester. Non pas pour prouver quoi que ce soit. Mais pour ne pas laisser la peur décider à ma place. Et ce jour-là, c’est en osant une parole douce que j’ai vu l’autre s’adoucir aussi. Notre lien, au lieu de se rompre, s’est approfondi.

C’est cela, je crois, la puissance de la tendresse au-delà de la peur.

mardi 22 juillet 2025

Regard sur l’accompagnement : Le silence qui permet à l’autre de s’entendre

Accompagner, ce n’est pas corriger ni convaincre, c’est marcher avec, à hauteur d’humain. C’est s’ajuster au rythme de l’autre, sans perdre le sien. C’est offrir une présence qui ne prend pas toute la place, mais qui tient assez de silence pour que l’autre s’y entende. Dans un monde souvent pressé de réparer, accompagner, c’est résister à la tentation de faire à la place, pour honorer le processus vivant de celle ou celui qui chemine. C’est un art discret, parfois invisible, mais qui transforme en profondeur. Et si, en fin de compte, l’accompagnement était d’abord une manière d’aimer sans posséder, de croire sans projeter, d’être sans imposer?

lundi 21 juillet 2025

L'art d'aimer au delà du mérite

Ce geste d’aimer sans mérite nous bouscule, car il va à contre-courant de notre société méritocratique. Une société qui valorise la performance, la perfection, la récompense. Mais aimer au-delà du mérite, c’est poser un acte subversif : c’est refuser de réduire la valeur d’un être à ce qu’il fait ou ne fait pas.

Cela ne signifie pas accepter l’inacceptable ni abolir les frontières saines. Il ne s’agit pas d’un amour naïf ou aveugle, mais d’un amour lucide, enraciné dans la reconnaissance de l’humain comme un mystère à accueillir, pas un problème à résoudre.

dimanche 20 juillet 2025

De Teotihuacan à Corinthe : Trois passages pour me souvenir de qui je suis

Teotihuacan – Là où l’ancien se réveille en moi (Mexique, 2020)

Je me souviens du silence immense des pyramides.
À Teotihuacan, j’ai marché non pas comme un touriste, mais comme un homme qui cherchait à se souvenir.
Le sol chaud sous mes pieds, les vents anciens autour de moi, et cette sensation étrange que tout ce que j’avais oublié m’attendait ici.
Dans un rituel au lever du soleil, je n’ai pas seulement rencontré les dieux du passé, j’ai rencontré ma propre soif d’alignement.
C’est là que le nom d’Allumeur de feu a pris racine : un feu intérieur, à raviver non pour briller, mais pour éclairer.



White Sands – L’éblouissement du dépouillement (Nouveau-Mexique, 2022)

White Sands m’a dépouillé.
Sous le ciel infini, au milieu de cette blancheur irréelle, tout est tombé : les rôles, les masques, les stratégies.
Il ne restait plus que moi, face à l’immensité.
C’est là que j’ai compris que la vérité ne fait pas de bruit.
Qu’elle se dépose en nous comme un grain de sable dans une chaussure : discret, mais persistant.
J’ai pleuré. Pas de tristesse. De reconnaissance.
C’est là que j’ai choisi de ne plus courir.
De m’arrêter.
De laisser l’essentiel me retrouver.


Corinthe – Là où l’amour m’a relu (Grèce, 2025)

Sur les traces de Paul de Tarse, j’ai marché dans les ruines de Corinthe.
Et dans ces pierres muettes, j’ai entendu des mots d’autrefois : foi, œuvre, grâce.
Mais surtout, j’ai senti en moi une phrase s’inscrire :

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est l’amour qui vit en moi. »

Corinthe ne m’a pas offert de réponses.
Elle m’a offert une posture : celle du marcheur qui enseigne en marchant, qui écoute en étant, qui transmet par présence.
C’est là que j’ai compris que mon enseignement ne commencerait pas par des concepts, mais par des silences habités.

Trois lieux. Trois seuils. Trois façons de dire « oui » à ce que je suis devenu.
Un allumeur de feu.
Un pèlerin du sens.
Un veilleur d’âme.

L’art de saluer la vie avec le cœur ouvert

À l’entrée d’une librairie, un enfant m’a dit bonjour.

Sans hésitation. Sans calcul.

Un simple bonjour, lancé avec la fraîcheur du présent. Puis, un high five, bras tendu vers moi, accompagné du plus beau des sourires.


Il ne me connaissait pas. Je ne le connaissais pas. Et pourtant…

Il m’a reconnu.

Reconnu non pas par un nom, un rôle ou un statut, mais dans ma simple humanité.

Comme si, à ses yeux, j’étais digne d’être salué. Digne d’un geste joyeux. Digne d’une rencontre gratuite.


Dans ce high five, il y avait tout ce que l’on oublie trop souvent :

le jeu, la spontanéité, la confiance immédiate, le lien qui se crée sans méfiance.

Et j’ai pensé : cet enfant m’enseigne la relation avant la parole, la joie avant la prudence, l’élan avant la peur.


Je suis entré dans la librairie différent.

Touché. Rappelé à l’essentiel.


Cet enfant ne faisait pas que me dire bonjour.

Il m’invitait à me souvenir. 

samedi 19 juillet 2025

Quand enseigner devient présence

Dans ces instants suspendus, enseigner cesse d’être un rôle.

C’est une présence offerte, un lieu de résonance où l’invisible circule entre les êtres.
Le contenu s’efface pour laisser place à la qualité du lien, et ce lien devient sacré, non pas au sens dogmatique, mais au sens du vivant honoré.

Il ne s’agit plus de convaincre.
Ni même de comprendre.
Il s’agit d’habiter ensemble une question, une intuition, une brèche. D’écouter ce qui veut naître plutôt que ce que j’avais prévu.

vendredi 18 juillet 2025

Quand la vie redevient rencontre

Nous vivons une époque où les récits s’effritent, où les institutions vacillent, où la méfiance s’installe comme une seconde peau. Mais ce n’est peut-être pas la fin. Peut-être est-ce le moment de reconsidérer la confiance comme un choix éthique, un geste de résistance douce, un engagement relationnel. 

Car sans confiance, tout devient transaction. Et avec elle, la vie redevient rencontre. 

J’aimerais croire que nous pouvons faire société autrement. Non pas naïvement, mais lucidement. En misant sur la confiance qui écoute sans vouloir contrôler, qui accueille sans vouloir corriger, qui accompagne sans chercher à posséder. Et si tout commençait vraiment là,,, Dans ce premier élan intérieur qui dit : je te fais assez confiance pour être vrai devant toi.

jeudi 17 juillet 2025

Réflexion du matin – Voir autrement


Une réflexion en préparation du cours Champ de croyance, communauté et culture, qui sera offert en ligne cet automne à l’Université Saint-Paul, au sein de l’École de leadership, écologie et équité.

Ce matin, je me pose une question simple :

Est-ce que je vois vraiment les choses telles qu’elles sont, ou est-ce que je choisis ce que je veux voir ?

Souvent, sans le savoir, je remarque surtout ce qui me donne raison, ce qui me rassure, ce qui ressemble à ce que je crois déjà.
Je rejette ce qui me dérange, ce qui est différent, ce qui pourrait bousculer mes idées.

Pourquoi ?
Parce que ça me fait sentir en sécurité. (croyance)
Parce que j’ai besoin de savoir qui je suis. (identité)
Et parce que j’ai peur de perdre ma place parmi les gens que j’aime. (appartenance)

Mais aujourd’hui, je veux essayer quelque chose de nouveau.
Je veux écouter autrement.
Je veux laisser de la place à ce qui me surprend, à ce que je ne comprends pas encore.

Je crois que grandir, c’est apprendre à voir plus large.
Pas pour tout accepter, mais pour mieux comprendre.
Pas pour changer qui je suis, mais pour devenir plus humain.

Aujourd’hui, je choisis de faire attention à ce à quoi je donne mon attention.
Parce que ce que je regarde, ce que j’écoute, ce que je crois…
façonne la personne que je deviens.

mercredi 16 juillet 2025

Réflexion matinale

Aujourd’hui, je choisis de désapprendre un peu. Pour mieux voir ce qui cherche à naître. 

Marquis 

mardi 15 juillet 2025

Enseigner face à l'inédit : une pédagogie du cadre mouvant


Le cadre comme point de bascule

Enseigner, c'est souvent transmettre dans un cadre. Mais que devient l'enseignement lorsque le cadre vacille, se fissure ou se déplace? Dans un monde en mutation, marqué par les incertitudes sociales, climatiques, technologiques et culturelles, il devient crucial de reconnaître que le cadre lui-même est mouvant. Pour faire face à l'inédit, il ne suffit pas de maîtriser les contenus : il faut apprendre à danser avec l'incertain. Enseigner devient alors un art du passage, une écoute active du présent.

Enseigner n'est pas figer, c'est habiter

Traditionnellement, l'enseignement repose sur des règles, des planifications, des objectifs d'apprentissage. Pourtant, la vie pédagogique réelle est ponctuée d'événements imprévus : une question qui déroute, une actualité bouleversante, un silence lourd de sens. C'est dans ces brèches que surgit l'inédit, et avec lui, une opportunité de faire de la classe un lieu de révélation plutôt que de reproduction.

Accepter que le cadre soit mouvant, c'est développer une pédagogie de la présence, de l'émergence, de l'ajustement. C'est passer d'un savoir à transmettre à un savoir à co-construire.

Une posture inspirée des approches critiques et transformatrices

Cette posture rejoint les courants de pédagogie critique (Paulo Freire, bell hooks), de pleine présence (Parker Palmer), d'écoute résonante (Hartmut Rosa), mais aussi d'accompagnement écosystémique et narratif. L'enseignant y devient éveilleur, passeur, facilitateur, gardien du sens.

Il ne détient pas la vérité, mais aide à la faire surgir. Il n'impose pas une méthode, mais ouvre un champ de possibilités. Il ne neutralise pas les tensions : il les accueille comme matériaux de travail, porteurs de sens.

Le risque comme matériau pédagogique

Dans ma propre pratique, ce sont les moments de fragilité assumée qui ont produit les apprentissages les plus vifs. Quand un.e étudiant.e ose dire sa colère. Quand un silence révèle une présence. Quand un plan de cours s'efface pour laisser place à l'écoute profonde.

Ces instants ne sont pas des écarts à corriger, mais des seuils à habiter. Ils demandent une qualité de présence, une conscience de soi et des autres, une capacité d'être touché sans être déstabilisé. À cet endroit, l'enseignement rejoint l'accompagnement : il devient soin du lien et soin du sens.

Quand le cadre se transforme en clairière

Je me souviens d'un cours où, à la suite d'un partage vulnérable, le groupe entier a basculé vers une qualité de dialogue imprévue. Nous n'étions plus dans le plan, mais dans le vivant. Le cadre s'était transformé en clairière. Nous étions ensemble en train d'apprendre, en état de vérité partagée.

Une pédagogie de la résonance et du vivant

Pour enseigner dans un monde en mouvement, il ne s'agit pas d'être moins compétent ou moins préparé, mais d'être plus réceptif, plus à l'écoute, plus humain. Face à l'inédit, il ne s'agit pas d'avoir raison, mais d'être juste. L'éducation devient alors un art de la présence, de la résonance, et du témoignage.

dimanche 13 juillet 2025

Sur les pas du philosophe itinérant : entre quête de sens et enracinement intérieur


 Ce surnom que m’avaient donné mes partenaires du Groupe Courage, le philosophe n’était pas anodin. Il portait en lui un reflet de mon propre cheminement intérieur. À leur contact, dans ces cercles d’écoute et d’authenticité, je me sentais reconnu non pas pour un savoir encyclopédique, mais pour une manière d’habiter les questions, d’oser le doute, d’ouvrir les mots comme des portes.

Je vivais alors une forme de nomadisme spirituel et existentiel. Avant de m’établir à Gatineau-Ottawa, j’étais ce marcheur des traversées, en quête d’un lieu d’enracinement, pas seulement une adresse, mais un paysage intérieur à retrouver dans la nature. Je rêvais de m’installer près de l’eau et des arbres, ces deux archétypes vivants de fluidité et de profondeur. Je cherchais une terre où le silence aurait le goût des feuilles et des pierres, un lieu d’accueil pour mes propres questions, un abri pour mes pratiques, un port pour mon feu intérieur.

C’est dans cette disposition intérieure que je découvre une proximité avec la figure de Saint Paul, lui aussi un marcheur infatigable, un homme de la Parole en déplacement. Non pas errant, mais envoyé. Non pas fixé, mais fécond dans ses allers-retours entre les communautés, les cultures, les langues. Comme les philosophes itinérants de la Grèce ancienne, Paul allait à la rencontre du monde avec une parole nue, vulnérable, mais portée par un souffle plus grand. Il incarnait une tension féconde entre enracinement et mouvement, entre fidélité à une voix intérieure et accueil de ce qui vient.

Aujourd’hui encore, je me reconnais dans ce double élan : marcher pour entendre, s’enraciner pour transmettre. Le philosophe que l’on nommait alors n’a pas disparu. Il s’est peut-être simplement rapproché de son propre rivage.

samedi 12 juillet 2025

Changer, ce n’est pas juste comprendre

Je sais ce que je devrais faire. Ma tête le comprend. J’ai lu, j’ai écouté, j’ai réfléchi. Mais malgré tout cela, je continue parfois à agir comme avant.

Pourquoi?

Parce que comprendre avec la tête ne suffit pas toujours. Le cœur, lui, a besoin de temps. Et le corps, lui, garde les vieilles habitudes, même quand on veut changer.

Alors j’essaie autre chose. J’écoute ce que je ressens. Ce qui fait peur, ce qui fait mal, ce qui rêve encore. Et petit à petit, je sens un changement.

Changer, ce n’est pas seulement savoir quoi faire. C’est quand ce que je sais touche mon cœur, et que je suis prêt à m’aimer un peu plus. C’est là que tout peut commencer.

vendredi 11 juillet 2025

Grèce : un voyage entre sagesse ancienne et résonance intime


 Il y a des expériences qu’on ne cherche pas, mais qui nous trouvent. Mon séjour en Grèce fut de celles-là : une traversée entre l’extérieur et l’intériorité, entre les pierres sacrées du passé et les pierres vivantes de ma propre construction. J’y étais pour une conférence universitaire, dans un contexte de réflexion sur l’épanouissement humain. Mais j’y ai aussi marché sur les pas de Saint-Paul, reçu les silences de Delphes, et laissé mon cœur s’ouvrir à l’écho de ce que j’avais oublié de moi.

Athènes m’a offert son chaos lumineux, ses temples de marbre et ses ruelles bruissantes. J’y ai entendu la voix de Socrate, non pas dans les discours, mais dans les silences entre les mots : « Connais-toi toi-même ». Il ne s’agissait pas de comprendre, mais d’écouter. De laisser le rationnel s’incliner devant l’expérience.

À Delphes, ce ne fut pas un message clair, mais un frisson. Le genre de frisson qui réveille la mémoire de l'âme. Je ne suis pas reparti avec des réponses, mais avec une certitude tranquille : celle d'être sur le bon chemin. Il ne s’agit plus pour moi d’atteindre un sommet, mais d’entretenir un feu.

J’ai aussi marché à Corinthe, et dans l’intime compagnonnage avec Michel, j’ai goûté à une forme de pèlerinage moderne, où le sac à dos est plein de questions et les routes bordées de symboles. Les lettres de Paul aux premières communautés résonnent différemment quand on les lit sur les lieux mêmes de leur envoi. Ce n’est plus une lecture théologique. C’est un dialogue d’homme à homme, de foi à foi, de vulnérabilité à courage.

Ce voyage, je l’ai vécu comme un passage. Un rituel silencieux de transformation. Il n’y a pas eu de grands événements. Mais dans le quotidien du marcheur, dans les gestes simples et les respirations partagées, j’ai senti une résonance profonde entre le dehors et le dedans.

Ce que je ramène de la Grèce, c’est peut-être cela : une manière nouvelle d’habiter mes questions, de goûter au mystère sans le forcer. D’accueillir les enseignements non comme des vérités à transmettre, mais comme des invitations à être.

C’est dans ce sens que mon séjour en Grèce n’était pas un voyage, mais une offrande. Une offrande que je reçois, et que je choisis maintenant de partager, pour celles et ceux qui, comme moi, avancent de question en silence, et de silence en confiance.

mardi 1 juillet 2025

Réflexion du jour

 

L’abeille qui butine de fleur en fleur sait-elle qu’elle est en train de faire du miel? Sans doute pas. Elle suit simplement l’élan de sa nature, répond à l’appel des couleurs, des parfums, de la vie qui l’entoure. Et pourtant, de ses allers-retours patients naît un trésor, le miel, fruit d’une collaboration invisible entre elle, les fleurs et la ruche.


Cette image me touche profondément. Elle nous rappelle que, tout comme l’abeille, nous tissons du sens et de la guérison sans toujours le savoir, à travers nos relations, nos gestes quotidiens, nos engagements. Chacune de nos rencontres est une fleur visitée. Chaque attention, chaque parole bienveillante est un grain de pollen qui se transforme, un jour, en douceur partagée.


En marchant humblement sur notre chemin, nous participons à une œuvre qui nous dépasse. Et peut-être est-ce là, comme le dirait Lewis Mehl-Madrona, la plus belle médecine : celle qui se révèle dans la réciprocité du lien et l’alchimie de la relation.