jeudi 30 octobre 2025

Le seuil intérieur de l’accueil


Nous vivons dans un drôle de monde.

Même les lieux d’accueil se transforment. Là où, autrefois, un hôte ou une hôtesse nous recevait avec un sourire, on trouve désormais un gardien de sécurité. Les comptoirs se ferment, les portes se verrouillent, et les formations à l’accueil insistent désormais sur la gestion du risque plus que sur la rencontre. Tout visiteur devient, malgré lui, un inconnu à surveiller.

Je regarde cela avec étonnement. Pas avec jugement, mais avec une sorte de tristesse lucide.
Car derrière ces dispositifs, il y a une blessure plus profonde : la peur de l’autre. La peur diffuse qui s’installe dans nos corps collectifs, cette méfiance qui se glisse jusque dans les gestes les plus simples de la vie quotidienne.
Les lieux qui devraient relier deviennent des lieux qui filtrent.

Et pourtant, l’accueil est l’un des plus anciens langages de l’humanité.
Dans toutes les traditions, franchir un seuil, c’était entrer dans un espace sacré : celui de la rencontre, de l’imprévu, du possible. L’hôte était gardien de ce passage. Aujourd’hui, ce rôle semble s’être effacé. Nous avons perdu le seuil comme lieu symbolique.

Mais je crois que le seuil n’a pas disparu. Il s’est déplacé.
Il est devenu intérieur.
Dans un monde qui se barricade, habiter le seuil, c’est peut-être apprendre à ouvrir de l’intérieur.
Accueillir, non par obligation, mais par présence.
Rappeler, par le regard, par la voix, par la qualité du silence, que la confiance n’est pas morte.

Accueillir, aujourd’hui, c’est un acte de résistance douce.
C’est choisir de rester humain au milieu des procédures.
C’est garder vivante la possibilité d’un lien, celui qui passe, fragile et précieux, entre deux consciences qui se reconnaissent.

Et peut-être que là, dans ce mince passage, dans cet instant de reconnaissance, le monde redevient habitable.

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