Quand la quête d’équilibre devient un chemin de conscience
Et si la justice et la vengeance n’étaient pas des contraires, mais deux réponses différentes à une même blessure ?
Dans mon travail d’accompagnement et dans les Cercles de Pardon que j’anime, je rencontre souvent cette tension. Elle est à la fois universelle et profondément intime : chacun de nous, un jour, a voulu « réparer » une douleur. Mais entre le besoin de justice et le désir de revanche, la ligne est souvent plus fine qu’on le croit.
La vengeance cherche à compenser la souffrance en infligeant une autre souffrance. Elle se nourrit d’un instinct de rééquilibrage immédiat, presque chimique. Le chercheur américain James Kimmel Jr., dans son ouvrage The Science of Revenge, démontre que le désir de vengeance agit dans le cerveau comme une addiction. Chaque pensée de revanche déclenche une libération de dopamine, offrant un soulagement temporaire… avant de raviver la douleur.
Ainsi, plus on alimente la vengeance, plus la blessure s’ancre.
La justice, quant à elle, tente de restaurer la dignité, de réparer le lien social. Mais lorsqu’elle est habitée par la colère ou le besoin de punir, elle risque elle aussi de se dénaturer, de devenir vengeance légitimée. C’est dans cet espace fragile que le pardon prend tout son sens.
Kimmel le décrit non pas comme un oubli ou une faiblesse, mais comme une transformation de conscience. Le pardon, écrit-il, « ne remplace pas la justice, il la transforme en dignité retrouvée. » Il ne cherche pas à effacer la faute, mais à libérer la personne du cycle de réaction qui la maintient captive. Sur le plan humain, le pardon agit comme une réinitialisation du lien : il remet en circulation ce que la blessure avait figé.
Une pratique de présence, pas de solution
Dans un Cercle de Pardon, cette tension entre justice et vengeance ne se résout pas : elle s’accueille. C’est là que commence la transformation : quand on cesse de vouloir trancher pour commencer à écouter. Le pardon n’est pas un geste héroïque, mais une ouverture lente, une respiration partagée qui permet à la vie de reprendre son cours.
Notre rôle, comme animateurs, n’est pas d’offrir une issue, mais de tenir un espace vivant de discernement. Un espace où la blessure et la conscience peuvent coexister, où la paix intérieure ne naît pas de la victoire sur l’autre, mais du retour à soi.

 
 
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