Hier, lors d’un atelier d’écoute et d’accompagnement que j’ai coanimé avec Bianca au Centre de protection des mineurs et des personnes vulnérables de l’Université Saint-Paul, nous étions une trentaine à nous rassembler. Des accompagnant.es de différents pays, de différentes cultures, mais unis par un même engagement : tenir un espace pour celles et ceux qui ont été blessés dans leur confiance, leur corps, leur dignité. L’enjeu était immense, le contexte exigeant. Et pourtant, c’est une simple invitation qui a ouvert le chemin : redevenir des êtres réceptifs.
Cette réceptivité n’a rien d’une fuite. Elle est le contraire de la passivité. Elle est une posture courageuse qui consiste à ne pas vouloir tout maîtriser, tout expliquer, tout réparer trop vite. Elle est une manière d’habiter la relation autrement, avec justesse, écoute et résonance. Elle demande de faire silence à l’intérieur pour que quelque chose de plus vrai puisse émerger. Elle nous ramène à ce lieu subtil où l’accompagnement devient présence plutôt que solution.
Au fil de l’atelier, les corps se sont déposés, les mots se sont faits plus vrais, plus simples. Nous avons accueilli des silences, des hésitations, des émotions contenues. Nous avons senti la fragilité des histoires évoquées, mais aussi leur force de vie. Certains ont parlé de leur pays, d’autres de leur peur de mal faire. Et pourtant, ce qui dominait, c’était la confiance qu’un autre type de lien est possible : un lien qui ne répare pas en imposant, mais qui guérit en accompagnant.
Accompagner, dans ces contextes douloureux, c’est accepter d’être soi-même affecté. D’être déstabilisé. D’être vulnérable. Notre dignité se joue là : dans la manière dont nous nous laissons toucher sans être emportés, dont nous restons présents sans nous refermer. Redevenir des êtres réceptifs, c’est croire que l’essentiel se reçoit avant de se penser. C’est reconnaître que l’autre ne se tient pas devant nous comme un problème à résoudre, mais comme une vie à accueillir.
Il y a des jours où je me dis que le rôle de l’accompagnant n’est pas tant de savoir que d’écouter. Non pas d’être l’origine, mais la résonance. Et que, dans cette posture, un espace peut s’ouvrir où la dignité blessée trouve à se redresser autrement.
Que cette voix intérieure, celle qui sait recevoir avant de vouloir donner, continue de nous inspirer.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire