Chaque jour, je navigue entre deux mondes bien distincts : celui de l'exigence institutionnelle et celui de la vocation pédagogique, deux postures, deux dynamiques parfois contradictoires. D'un côté, la pression silencieuse du client-roi, un modèle qui s'est insinué jusque dans les salles de classe universitaires, où une partie des étudiants tend à considérer leur apprentissage comme une transaction, recherchant des réponses immédiates, des résultats quantifiables et une flexibilité constante. De l'autre, l'appel du serviteur, une posture qui m'habite profondément, fondée sur l'écoute et l'accompagnement, privilégiant la réflexion et la co-construction du savoir. Entre ces deux pôles, mon quotidien oscille dans une recherche d'équilibre, tentant de concilier les attentes institutionnelles avec ma propre vision de l'enseignement.
Les dernières années ont ébranlé bien des certitudes. J'ai compris que l'essentiel ne réside pas uniquement dans l'accumulation de connaissances ou la performance académique, mais dans la capacité à créer des espaces de rencontre avec soi-même et avec la pensée. Mon rôle n'est pas d'imposer des vérités, mais d'accompagner des cheminements, d'encourager la réflexion critique et de favoriser ces instants de résonance où l'apprentissage devient une expérience partagée plutôt qu'une simple consommation de savoir. Cette posture s'incarne autant dans mes cours, où je refuse de me plier aux injonctions du marché de l'éducation, que dans les rencontres plus intimes, où j'offre un espace de parole et une présence attentive, parfois catalyseurs de profondes transformations.
Toutefois, cet équilibre fragile a un coût. À force de jongler entre ces différentes attentes, j'ai dû apprendre à reconnaître mes propres limites. Il y a eu des moments où le poids des responsabilités menaçait d'éteindre l'élan qui me porte. J'ai compris que je ne pouvais pas tout porter à bout de bras, que je devais choisir mes engagements avec discernement, trouver les espaces où me retirer et ceux où me renouveler. Ce n'est pas une rupture, mais une transformation vers une posture plus alignée avec ce qui me semble essentiel : accompagner sans s'épuiser, transmettre sans s'effacer, œuvrer sans se perdre.
Aujourd'hui, je ressens un glissement naturel vers une manière plus équilibrée d'habiter cet espace. Je ne cherche plus seulement à enseigner, mais à préparer le terrain pour que d'autres puissent cultiver leur propre transformation. Entre le client-roi et le serviteur, il y a peut-être un troisième chemin : celui du tisseur de liens,un rôle qui prend forme à travers l'écoute active, la facilitation des échanges et la création de conditions favorables à l'apprentissage autonome., de l'ouvreur d'espaces, de celui qui ne délivre pas des réponses toutes faites, mais qui invite à une rencontre plus profonde avec soi-même et avec le monde.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire