jeudi 11 septembre 2025

Le pardon : entre psychologie et rituel collectif

 

Fred Luskin, chercheur à l’Université Stanford et auteur de Forgive for Good (Forgive for Good: A Proven Prescription for Health and Happiness, 2002), définit le pardon comme un processus psychologique et pragmatique. Pardonner, explique-t-il, signifie accéder à une forme de paix intérieure en « relâchant la souffrance » et en cessant d’exiger que la vie se conforme à nos attentes. Selon lui, la colère et la rancune naissent souvent du fait qu’un événement ne correspond pas à ce que nous espérions. Le pardon devient alors un choix, un acte de liberté : blâmer moins, prendre la situation moins personnellement et transformer notre récit intérieur (Luskin, 2002, 2021).

Dans cette perspective, Luskin (2007) distingue trois types de pardon : interpersonnel (pardonner une offense commise par un autre), intrapersonnel (se pardonner à soi-même) et existentiel (pardonner la vie, Dieu ou la nature pour les épreuves subies). Il rappelle que personne n’est obligé de pardonner : il s’agit d’une décision personnelle qui libère de la souffrance sans justifier l’offense ni exiger un retour à une relation toxique. Ces distinctions mettent en lumière une vision psychologique centrée sur le choix individuel et la gestion de l’expérience intérieure.

À cette conception rationnelle et personnelle s’ajoute une autre approche : celle des Cercles de Pardon, créés par Olivier Clerc (Le don du pardon, 2010 ; Peut-on tout pardonner ?, 2019) et diffusés par l’Association du Pardon International. Les Cercles proposent une expérience symbolique et collective : les participants déposent leur vécu dans un espace sécurisant, soutenu par la présence d’autrui et par des rituels qui engagent le corps, la parole et le cœur. Ici, le langage n’est pas celui de la « gestion » de la souffrance, mais celui de la libération intérieure et de la réouverture à l’amour.

Alors que Luskin insiste sur le choix rationnel, décider de pardonner pour alléger sa vie, les Cercles soulignent la dimension relationnelle et spirituelle : se libérer de la rancune pour retrouver une circulation d’amour, en soi et entre les autres. Là où Luskin met en avant une pratique individuelle, les Cercles mobilisent la force du collectif et du rituel pour transformer le pardon en expérience incarnée et partagée.

Ces deux perspectives ne s’opposent pas, elles se complètent. L’une offre une base psychologique et rationnelle, l’autre inscrit ce choix dans une expérience communautaire et spirituelle. Ensemble, elles révèlent la profondeur du pardon, à la fois compétence humaine et chemin de transformation intérieure et relationnelle. En réunissant la clarté psychologique de Luskin et la dimension symbolique des Cercles, le pardon apparaît comme une pratique universelle qui relie l’intime et le collectif, la raison et le cœur.

Références

  • Clerc, O. (2010). Le don du pardon. Paris : Éditions Trédaniel.

  • Clerc, O. (2019). Peut-on tout pardonner ?. Paris : Éditions Trédaniel.

  • Luskin, F. (2002). Forgive for Good: A Proven Prescription for Health and Happiness. New York : HarperCollins.

  • Luskin, F. (2007). The choice to forgive. Greater Good Magazine. UC Berkeley.

  • Luskin, F. (2021). What is forgiveness? Greater Good Science Centerhttps://greatergood.berkeley.edu

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