Accompagner ne consiste pas seulement à offrir ses forces ou ses réponses : c’est avant tout apprendre à s’ouvrir à une source plus vaste que soi. Dans le silence, dans l’écoute partagée, l’agapè se manifeste comme une énergie de vie qui traverse et relie. Elle devient alors une ressource inépuisable, capable de transformer la fatigue en résonance et la vulnérabilité en dignité retrouvée.
Je me souviens d’un cercle de proches aidants, un soir d’hiver. La fatigue pesait sur les visages, et les mots étaient lourds. L’un d’eux partageait son sentiment d’impuissance devant la souffrance de son parent malade, et tout le groupe semblait retenir son souffle. J’aurais pu chercher une parole réconfortante, une « bonne réponse », mais rien ne venait. Alors, j’ai choisi de demeurer là, présent, dans ce silence partagé.
C’est alors que quelque chose a basculé. Non pas par mon effort, mais comme si une force subtile circulait entre nous. Une tendresse invisible s’est glissée dans le cercle. Le visage de la personne qui parlait s’est adouci, une larme a coulé, et les autres ont commencé à déposer eux aussi leurs fardeaux. Je n’avais rien « fait ». J’avais seulement accueilli cette circulation de vie, cet amour qui, selon Denis Marquet, ne vient pas de nous mais nous traverse : l’agapè.
Relire cette expérience à la lumière de ses mots me permet de comprendre qu’accompagner, ce n’est pas « donner de soi » jusqu’à l’épuisement. C’est s’ouvrir à cette source d’amour plus vaste, infinie, qui se manifeste précisément lorsque nous cessons de vouloir contrôler. L’agapè, dans ce moment, a été le point d’émergence : elle a transformé un espace de lassitude en lieu de résonance, de dignité retrouvée et de souffle partagé.
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