lundi 15 septembre 2025

Quand une majorité se sent minoritaire : le point de bascule ?

Depuis hier, une pensée m’habite : que se passe-t-il lorsqu’une majorité commence à se percevoir comme une minorité ? Est-ce là un point de bascule dans l’histoire d’une société ?

Aux États-Unis comme au Québec, cette question résonne avec une intensité particulière.

Le paradoxe des majorités fragiles

Dans un premier regard, une majorité est censée être stable : elle possède le nombre, les institutions, la légitimité historique. Mais la réalité est plus complexe. Aux États-Unis, une partie de la population blanche vit avec la conscience grandissante qu’elle n’est plus « la norme évidente » : l’émergence démographique et culturelle des communautés afro-américaines, hispaniques et asiatiques annonce un renversement de proportions. Au Québec, plusieurs francophones vivent une situation paradoxale : majoritaires dans leur territoire, mais minoritaires en Amérique du Nord, ils se sentent assiégés par la force de l’anglais, par la mondialisation et par l’érosion de certains repères culturels.

Dans les deux cas, la majorité se vit comme fragile, menacée, vulnérable.

Le point de bascule

Ce sentiment de minorisation agit comme un révélateur. Il peut devenir un point de bascule de deux manières opposées :

  • Du côté de la peur : il nourrit la tentation du repli, du populisme, d’un nationalisme défensif. Quand une majorité se croit en danger, elle peut chercher à imposer sa survie par l’exclusion, le rejet ou la crispation identitaire.

  • Du côté de la transformation : il peut aussi devenir une invitation à repenser l’identité autrement. Non plus comme une forteresse à défendre, mais comme une relation vivante à redéfinir. C’est là un chemin exigeant, car il demande d’accepter que rien n’est garanti ni figé.

Le basculement advient précisément quand la majorité cesse de se vivre comme une évidence, et qu’elle doit justifier son rôle, son sens, sa place. C’est un moment à la fois fragile et fécond.

Apprendre des minorités

Il y a ici une sagesse possible. Lorsqu’une majorité se vit comme minoritaire, elle fait l’expérience de ce que les minorités connaissent depuis toujours : la précarité, la nécessité de se battre pour sa reconnaissance, l’importance vitale des solidarités. Ce renversement peut alors devenir une école d’humilité et de créativité.

Il invite à sortir de la logique du pouvoir qui impose, pour entrer dans la logique du vivre-ensemble qui compose.

Une lecture spirituelle et communautaire

Dans l’accompagnement communautaire comme dans la vie spirituelle, ce point de bascule peut être compris autrement : il ouvre la possibilité d’une conscience plus large. La majorité qui se découvre fragile peut apprendre à habiter le monde non plus contre les autres, mais avec eux.

Avancer avec et non malgré, voilà peut-être le cœur de ce basculement. Reconnaître nos fragilités collectives, les accueillir, et leur donner une place dans la mélodie plus vaste de nos sociétés. Car c’est peut-être là que réside l’avenir : dans une majorité qui cesse de se croire intouchable, pour apprendre enfin à vivre dans la résonance, la dignité partagée et l’ouverture à l’autre.

1 commentaire:

Marquis Bureau a dit…

Aujourd’hui, je réalise que je ne connais pas la posture du majoritaire. J’ai toujours habité le monde depuis la minorité, une école d’humilité et de créativité, où l’on apprend à écouter autrement et à bâtir des ponts.